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Essais sur la vérité  
12 juillet 2013

VI. chemin spirituel d’un alter-croyant

 Mathias Schiltz

Cher Bernard, au moment de passer de l’essai V à l’essai VI, nous ne sommes pas seulement à mi-temps de notre parcours, nous sommes au milieu du gué, au moment crucial où chacun dit sa vérité, non pas en théorie, mais de façon très personnelle et existentielle, sans fard. C’est là, me semble-t-il, le nœud et le cœur de nos échanges.

Je connais, certes, votre vérité, celle d’un alter-croyant, d’un humaniste, croyant que Dieu n’est pas. Mais comment la vivez-vous ? Comment, à partir de ce constat qui est pour vous une évidence, avez-vous pu, au lieu de vous réfugier dans un épicurisme plat et banal, dégager et emprunter un chemin spirituel qui vous a fait accéder et demeurer sur les hauteurs d’un humanisme à toute épreuve qui se conçoit comme un service à l’égard de tous les humains et de leur communion ?

Il est vrai que d’autres ont, avant vous, affronté ce défi. Je pense par exemple à un Albert Camus dont j’admire la droiture et la conséquence. Mais chez lui la conviction que Dieu n’est pas s’est doublée d’une conscience très aigüe de l’absurde et d’une violente réaction de révolte.

Chez vous je ne trouve rien de cela. Je vous vois au contraire pacifié et serein. Alors, comment faites-vous ? La question est d’autant plus poignante pour moi qui ai pu affirmer que, malgré les doutes et les contestations, je n’ai jamais connu l’éclipse totale de Dieu (cf. Essai V. Chemin personnel de la foi en Dieu). J’ai dès lors du mal à imaginer comment je pourrais vivre sans être, comme un pont, arc-bouté sur l’autre rive, ancré dans ce roc inébranlable que je nomme Dieu et qui se révèle pour moi, tel le Rocher de Meriba sous le bâton de Moïse (Ex 17,1-7), être une source d’eau vive jaillissant en vie éternelle (Jn 4,14).

Je dois avouer que l’absence d’une telle perspective a pour moi quelque chose de cauchemardesque apparenté à la vision de l’écrivain allemand Friedrich Richter dit Jean-Paul (1763-1825) qui a imaginé un Discours du Christ trépassé du haut de l’édifice de l’univers affirmant que Dieu serait mort. Dans cette vision l’écrivain est prisonnier d’un environnement cruel, chimérique où tout est obscurité totale et froid glacial. C’est le monde de la mort universelle et absolue. Ce sont des morts qui posent les questions, et c’est un mort qui répond. Dis-nous, Christ, n’y a-t-il pas de Dieu ? Non, il n’y en a pas. Nous sommes tous des orphelins, vous et moi, nous n’avons pas de père. Et après que ces paroles eurent retenti, l’édifice de l’univers s’écroule dans un chaos fracassant. Là-dessus l’écrivain se réveille. Tout n’était qu’un rêve, un cauchemar. Les paroles entendues n’ont jamais été prononcées. Dieu n’est pas mort – il est vivant, et les hommes peuvent à nouveau l’adorer.

Alors, cher ami, je vous écoute.

 Bernard Baudelet

Je ne mérite pas d’être comparé à Albert Camus (1913-1960), même si je revendique comme lui d’espérer vivre en humaniste. Mon chemin de vie est une conquête sans fin, celle d’un homme qui n’entend pas être ou devenir un repère d’humanité. Comme vous, j’admire Albert Camus qui a assumé sa vie avec dignité face à l’inéluctable absence d’éternité après sa mort, la fin dernière, attendue mais jamais souhaitée, la fin dernière est méprisable (Le mythe de Sisyphe). Ses cris de révolte face à l’absurdité, me déchirent car je les comprends, je les ai vécus à certains détours douloureux de mon passé. Camus est un héros grandiose et souffrant, ne dit-il pas dans une de ses œuvres au moment où une petite fille va mourir écrasée par un tramway à Alger devant une foule impuissante : Il ne s’est même pas dérangé ? A sa place, j’aurais pensé Il n’est pas. Et, il ajoute dans La peste Peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croit pas en lui. Pourquoi pas ? A condition toutefois que chacun demeure attaché à l’émerveillement afin de saisir la transcendance dans le quotidien.

Je n’ai jamais vécu les cauchemars épouvantables imaginés par l’auteur allemand dont j’ignorais l’existence. Hormis peut-être au moment où le mur de ma foi s’est écroulé. Mais comme je le dirai plus loin, un sentiment de paix m’a très rapidement envahi dans la perspective de devoir gravir ma montagne par des chemins certes escarpés, mais vers des horizons en cohérence avec l’homme que j’étais devenu, nu mais vivant. En revanche, je comprends que vous puissiez craindre d’être précipité dans ce gouffre sans espérance. A l’hiver de votre vie, il serait rude de devoir affronter une telle impasse, l’immense désespérance d’une vie sans foi en Dieu. Quoiqu’il advienne, accrochez-vous à votre voie afin de continuer à apporter la paix à ceux qui souffrent. [1].

Je voudrais dire quelques mots sur Coluche, un humaniste contemporain que j’admire. Chacun connaît son humour grinçant proche de l’abominable pour qui s’estime politiquement correct, socialement moral, religieusement bien pensant. Citons au hasard quelques perles : Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme ! Le syndicalisme, c’est le contraire (extrait du sketch Le syndicat) ; Les cardinaux, on leur met des petits ronds rouges sur la tête, c’est pour pas les paumer dans les squares (Extrait du sketch Les papes : Jean-Paul II et Jean retiens) ; Bite, c’est un gros mot, même si c’est une petite (extrait du sketch Si j’ai bien tout lu Freud). Ce talent de bonimenteur à scandale cachait mal un homme au grand cœur : Pour critiquer les gens il faut les connaître, et pour les connaître, il faut les aimer (extrait du journal France-Soir du 7 Novembre 1975). Ce n’est pas vraiment de ma faute si y’en a qui ont faim. Mais ça le deviendrait si on n’y changeait rien (extrait des paroles de la chanson Les Restos du cœur). Les grandes traditions spirituelles ne transmettent-elles le même message d’amour envers autrui ? Méditez-lez, vous serez surpris [2]. Cet humaniste aux propos graveleux était sans Dieu, ni espérance en l’éternité. Son œuvre, sa dimension d’éternité, Les Restos du cœur poursuivent leurs actions en faveur des exclus. Plus de 115 millions de repas ont été distribués durant la dernière saison froide en France. Depuis leur création en 1985 par Coluche, c’est plus d’un milliard de repas et des actions nombreuses en faveur de la réinsertion des exclus. Coluche s’est éclaté en ouvrant son cœur !

Revenons maintenant à l’objectif de cet essai, parler de ma vérité d’alter-croyant avec le désir d’être authentique et surtout sans esbroufe. En fait, ce qui précède est une belle ouverture, je vous remercie, cher Mathias, de l’avoir permise.

Chemin témoigne d’une lente évolution pour essayer d’apprendre à vivre comme dit le poète [3], chemin signifie aussi sans fin, tant que la vie est présente ; Dieu n’est pas exprime que ma mort sera le point final de mon existence, sans éternité en Dieu et sans cycle des renaissances, dénommé le samsara [4] dans d’autres traditions. Ecrire je ne crois pas en Dieu aurait été interprété comme un refus de croire en Lui, alors qu’Il est, ce qui n’est plus ma conviction. Certes, au cours du chemin de ma vie, j’ai eu des périodes de foi en Dieu. Certainement, sa foi n’était pas bien assurée, dirent certains, il pèche par orgueil car c’est un scientifique [5], pensèrent d’autres, en fait il croit en Dieu mais il ne veut pas le reconnaître, susurrèrent ceux qui récupèrent les brebis égarées. En fait, je voudrais être convaincu que ma vie n’aura pas de fin [6], qu’un Dieu d’amour sera toujours présent à mes côtés [7], surtout lors de moments de profonde solitude, de détresse écrasante, qu’il me pardonnera mes fautes si je me repens, que je peux l’aimer, le prier, l’adorer, le contempler…, ce Dieu personnel dans votre tradition, cher ami Mathias.

Peu avant mes trente ans, le mur de ma foi en Dieu s’est effondré, tant il devait être fissuré à mon insu conscient. Certainement, une « transformation silencieuse » [8] opérait en moi dans mon inconscient depuis longtemps au point de ne pas l’avoir entendu ou bien de n’avoir pas eu le courage de l’entendre. Un vide sans fin est apparu alors qu’auparavant j’espérais en l’éternité, dopé par mes engagements responsables dans la catholicité. J’ai vécu l’expérience inverse de celle de Paul Claudel lorsqu’il a rencontré son Dieu derrière un pilier de la cathédrale de Paris. Ni les coups de butoir de mon passé de foi en Dieu, ni ceux inverses de Paul Claudel, rien ne nous firent changer après ces révélations, car nous avions reçu la lumière de notre vie [9]. A Paul Claudel, on pourrait appliquer cette citation de Blaise Pascal Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. Que dirait-on à mon égard ?

Le chemin qui s’est imposé, m’a contraint pas à pas d’apprivoiser la mort, le trépas auquel nul n’échappe, la putréfaction des corps qui fait horreur, ma mort sans futur. Le sens de la mort disparu, il reste la vie. Cette démarche de confrontation à la réalité va à l’encontre de ceux qui font la fête pour ne pas assumer cette étape. Je ne prétends pas avoir atteint un état de renoncement à toute espérance, cependant très tenue à l’hiver de ma vie, j’aurai atteint 76 ans lors de la parution de cet essai. Il n’est pas question dans ce cadre de tenter de justifier cette révolution intérieure [10], d’autant plus que pour moi le doute fait toujours partie de toutes mes convictions car elles ne sont jamais des certitudes dans les mondes de la complexité. Je demeurerais jusqu’à ma mort un homme relativiste [11] qui accepte et surtout accueille d’autres chemins de personnes en authenticité. Alors, vous êtes agnostique, diront certains. Est-ce la rigueur de mon esprit qui m’impose de trancher dans le vif, même s’il n’existe pas de preuve définitive en faveur de l’existence ou de l’inexistence du divin ? Je crois pouvoir trouver dans cet engrammage, une exigence certaine. Je n’aime pas non plus qu’on me qualifie d’athée car l’alpha privatif me déplait comme le in dans incroyant. Je suis un alter-croyant comme on peut être alter-mondialiste.

Je suis un homme de foi en l’humain dans le cadre de ma culture chrétienne éclairée par l’homme Jésus que j’aime. Dans ses pas, je m’efforce d’aimer, de pardonner et de solliciter le pardon de ceux que j’ai offensés. Mon chemin de vie dans ma foi humaniste m’incite à m’émerveiller des phares connus et inconnus de notre humanité de toutes les traditions spirituelles et non pas forcément religieuses, à œuvrer modestement en faisant le peu qu’on peut, en citant le dominicain Philippe Maillard, à rechercher la transcendance dans l’immanence [12]. Alors, à votre mort tout disparaîtra ! prétendent ceux qui croient en l’éternité en Dieu ou au cycle des renaissances. Ma certitude, et non plus ma conviction, est que chacun de nous marque l’éternité. Ainsi, sont nos actions grandes et modestes au point que les grains semés, produisent souvent de beaux fruits que d’autres goûteront. Certes, je suis parfois pessimiste et triste quand des amours se meurent, des amitiés s’éloignent, des actes indignes de l’humain éclaboussent. Ce sont des épreuves. Éclairé par les neurosciences notamment, je préfère espérer que leur libre arbitre a été réduit par leur inconscient engrammé par des souffrances de leur passé oublié. Je crois au sens credo que Chacun dans sa nuit va vers sa lumière, une citation attribuée à Victor Hugo sur son lit de mort. Ainsi revient la paix intérieure qui me réjouit et que j’aime partager avec les hommes de bonne foi, dans l’Esprit d’Assise.

 Mathias Schiltz

Alors, cher ami, que faites-vous du Pari de Pascal ? Je m’en explique. Dans une première approche on pourrait dire que dans le jeu de hasard celui qui pose sur la carte de Dieu gagne à tout coup. Mais en affrontant le pari de Pascal il faut noter d’emblée que l’argument du pari n’est nullement le fondement de la foi personnelle de l’auteur des pensées. C’est l’essai de mettre un sceptique, voire un libertin [13], en face de l’extrême difficulté de la preuve et, partant, de saisir le problème de la preuve au poste le plus avancé. Le pari est en ce sens le tout dernier recours pour faire prendre conscience au libertin de l’urgence d’accepter la grâce divine [14].

Il faut de surcroît prendre en considération que l’auteur des Pensées s’adresse ici aux esprits épris de jeu, particulièrement nombreux dans la société mondaine de son époque. Aussi peut-on supposer qu’il s’en prend malicieusement à leur propre propension qu’il fustige par ailleurs dans ses réflexions sur le divertissement [15]. Cette précision concernant les destinataires du pari met d’emblée en question l’argument de ses critiques qui, des hommes de foi comme l’abbé de Villars [16] aux libres-penseurs comme Voltaire [17], lui reprocheront de traiter d’une question si grave sous l’aspect léger du jeu de hasard. Pascal met son argumentation à la portée et au niveau de ses interlocuteurs.

Par ailleurs, il raisonne ici d’abord en mathématicien. La comparaison du jeu de hasard lui permet de faire intervenir les concepts qui permettent une analyse logique des conditions du jeu, notamment les notions du calcul infinitésimal et du calcul des probabilités à l’élaboration desquels il a pris une part importante comme mathématicien. Dans la même ligne il choisit comme point de départ de son raisonnement le contraste entre l’infini mathématique et le fini.

Comme nous savons qu’il est faux que les nombres soient finis, donc il y a un infini en nombre. Mais nous ne savons pas ce qu’il est : il est faux qu’il soit pair, il est faux qu’il soit impair ; car en ajoutant l’unité, il ne change point de nature ; cependant, c’est un nombre, et tout nombre est pair ou impair (il est vrai que cela s’entend de tout nombre fini). … Nous connaissons donc l’existence et la nature du fini … Nous connaissons l’existence de l’infini et ignorons sa nature. … on peut connaître l’existence d’une chose sans connaître sa nature. [18]

Cela étant posé, Pascal revient en arrière et réduit la question à sa radicalité la plus élémentaire :

« Dieu est, ou il n’est pas ». De quel côté pencherons-nous ? Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant choix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. – Cela est admirable. Oui il faut gager, mais je gage peut-être trop. –Voyons. Puisqu’il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n’aviez qu’à gagner deux vies pour une vous pourriez encore gager, mais s’il y en avait trois à gagner ? Il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer) et vous seriez imprudent lorsque vous êtes forcé à jouer de ne pas hasarder votre vie pour en gagner trois à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain. Mais il y a une éternité de vie de bonheur. Et cela étant quand il y aurait une infinité de hasards dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, et vous agirez de mauvais sens, en étant obligé à jouer, de refuser de jouer une vie contre trois à un jeu ou d’une infinité de hasards il y en a un pour vous, s’il y avait une infinité de vie infiniment heureuse à gagner : mais il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini. … Il n’y a point à balancer, il faut tout donner. Et ainsi quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à la raison pour garder la vie plutôt que de la hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte du néant.

Et ainsi notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder, à un jeu ou il y a pareils hasards de gain que de perte, et l’infini à gagner. Cela est démonstratif et si les hommes sont capables de quelque vérité celle-là l’est. – Je le confesse, je l’avoue, mais encore n’y a-t-il point moyen de voir le dessous du jeu ? – Oui l’Écriture et le reste, etc. – Oui mais j’ai les mains liées et la bouche muette, on me force à parier, et je ne suis pas en liberté, on ne me relâche pas et je suis fait d’une telle sorte que je ne puis croire. Que voulez-vous donc que je fasse ? – Il est vrai, mais apprenez au moins que votre impuissance a croire vient de vos passions. Puisque la raison vous y porte et que néanmoins vous ne le pouvez, travaillez donc non pas à vous convaincre par l’augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions. Vous voulez aller a la foi et vous n’en savez pas le chemin. Vous voulez vous guérir de l’infidélité et vous en demandez les remèdes : apprenez de ceux qui ont été liés comme vous et qui parient maintenant tout leur bien ; ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez suivre et guéris d’un mal dont vous voulez guérir. Suivez la manière par où ils ont commencé : c’est en faisant tout comme s’ils croyaient, en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira [19].

Mais c’est ce que je crains. – Et pourquoi ? Qu’avez-vous à perdre ? Mais pour vous montrer que cela y mène, c’est que cela diminue les passions qui sont vos grands obstacles.

Fin de ce discours. – Or, quel mal vous arrivera-t-il en prenant ce parti ? Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami sincère, véritable ... A la vérité vous ne serez point dans les plaisirs empestés, dans la gloire, dans les délices, mais n’en aurez-vous point d’autres ? Je vous dis que vous y gagnerez en cette vie, et que à chaque pas que vous ferez dans ce chemin, vous verrez tant de certitude de gain, et tant de néant de ce que vous avez parié pour une chose certaine, infinie, pour laquelle vous n’avez rien donné [20].

Évacuons d’emblée ce dernier passage. Pascal promet à celui qui parie sur l’infini une vie vertueuse. Ce propos semble inclure ou du moins supposer l’idée que seul celui qui parie sur Dieu est capable de mener une vie honnête. Cette idée sous-tend, sans y être explicitement exprimée, certaines affirmations de l’encyclique Veritatis splendor du pape Jean-Paul II [21]. Elle est clairement professée par d’autres autorités religieuses, tel le Grand Rabbin de Roumanie et de Genève Alexandre Safran qui déclare sans ambages : Toute éthique vient de Dieu [22]. Le débat est loin d’être purement théorique. Il ressurgit avec acuité à un moment où, en France, le ministre de l’Éducation Nationale a annoncé le projet d’un retour de l’enseignement de la morale à l’école publique. Quels en seront les fondements ? Suffira-t-il désormais de se référer à la « morale sans épithète » de Jules Ferry, caractérisée comme la morale éternelle, la morale de nos pères, la morale du devoir, la nôtre, la vôtre, voire la morale de Kant et du christianisme [23] ? Ou y a-t-il moyen, sinon obligation, pour les croyants et les non croyants de trouver un terrain d’entente sur des valeurs communes, partagées, même si les sources et les fondements de ces valeurs sont diverses pour les uns et pour les autres ? [24]

Revenons à présent au raisonnement paradoxal du pari. Dieu est ou il n’est pas. Pour Pascal, l’homme est libre de son choix. Mais il n’est pas libre de choisir ou de s’abstenir. Il faut parier. Cela n’est pas volontaire : vous êtes embarqué. La vie de l’homme est telle qu’il est forcé de choisir. S’il s’abstient, il prend néanmoins, à son insu, une décision qui équivaut à opter tacitement pour cette vie-ci, aux dépens de la vie éternelle [25].

Pour le jugement logique, les deux possibilités sont, a priori, d’égale valeur. Que choisir dès lors ? Si je me prononce « pour » Dieu, j’ai la chance de gagner « une éternité de vie et de bonheur » et je risque de perdre « du néant ». Si je choisis « contre », c’est l’inverse. C’est le génie de Pascal d’avoir assimilé cette aporie théorique à l’impénétrabilité des causes efficientes, c’est-à-dire du hasard, dans le jeu des dés. Cela lui permet de traduire la question cruciale de l’existence de Dieu dans la situation pratique du joueur. Il s’agit de l’audace d’engager ma vie, par-delà l’impénétrabilité des hasards du jeu, sur la seule carte que Dieu est, qu’il est là, qu’il est capable de me saisir au vol. Et ce que j’ose appeler l’allégorie, la parabole du pari n’a pour Pascal d’autre sens que de lui permettre de montrer le caractère raisonnable de ce choix en concluant, moyennant la théorie de la probabilité, que les chances « pour » sont de loin plus favorables que les chances « contre » et que, en dernière analyse, elles se tiennent les unes par rapport aux autres comme l’infini et le zéro.

On pourrait dès lors penser avec Yannis Constandinidès que les dés sont en fin de compte pipés, que les jeux sont en quelque sorte déjà faits … S’il n’y a réellement rien à perdre et tout à gagner à parier, la dramatisation terrible des enjeux à laquelle se livre Pascal ne serait qu’un simple ressort de l’art de persuader, qu’une ruse d’apologiste [26]. On pourrait même aller plus loin et voir dans l’argument du pari, comme en filigrane, de la part de Pascal une ironie satirique [27], une réduction à l’absurde – et au ridicule – de la mentalité de joueurs qu’il a démasquée chez ses interlocuteurs.

Mais ce serait à mon avis se méprendre gravement sur le sérieux, non seulement de l’enjeu, mais de la démarche intellectuelle même de l’auteur des Pensées. Cette démarche est une démarche dialectique où toute certitude comporte sa mise en question et toute incertitude sa logique, la tension entre les deux, inhérente à la nature de la pensée humaine ne pouvant se résoudre que par la décision. Cette décision que Romano Guardini [28] assimile au jugement, par analogie à l’acception judiciaire de ce terme, a selon lui toujours le caractère du risque, de la témérité, voire d’un ultime va banque.

Vu sous cet angle, le pari de Pascal serait au fond une leçon sur la structure essentielle de l’acte de connaissance, tout acte de connaissance comportant à l’ultime une part d’incertitude ou de doute, un état de suspension qui ne peut être dépassé que par un acte de décision, par un saut de la volonté, à la limite par un acte de foi. En dernière analyse, tout acte de connaissance comporterait donc un élément de foi.

Ne rejoignons-nous pas là, cher Bernard, l’accord qui est la base de notre coopération et de nos échanges : nous sommes tous les deux des croyants, croyant que oui …, croyant que non … . Ce qui nous renvoie irrésistiblement au paroxysme dramatique du pari. Il faut parier. Cela n’est pas volontaire : vous êtes embarqué.

 Bernard Baudelet

Je vous remercie d’avoir éclairé nos lectrices, nos lecteurs et moi-même sur ce pari qui a tant fait couler d’encre et a suscité tant de controverses, à la fois de la part des chrétiens convaincus et des athées purs et durs. Dans l’esprit de nos échanges en authenticité, je vais centrer ma réponse sur l’expérience de mon chemin de vie. Je n’aime pas parier tout en comprenant que Blaise Pascal ait choisi cette forme pour tenter de convaincre les libertins de son temps adeptes des jeux et des paris. Vraiment, je serai peiné que des personnes que je considère, puissent faire un tel pari. Il n’est plus de notre époque. Il est irrespectueux de l’image de Dieu de ceux qui croient en lui et des hommes qui s’abaisseraient à un tel marchandage. J’essaie de conduire ma vie en cohérence avec mes convictions et non pas en faisant semblant de croire en Dieu et encore moins en m’étourdissant dans l’ivresse de plaisirs désordonnés, comme si c’était la conséquence logique de toute vie menée, sans Dieu comme espérance. Cette affirmation ou même cette hypothèse m’est intolérable. Or, vous le savez, je crois que Dieu n’est pas, certes avec des doutes mais pas au point de jouer au yoyo dans un agnosticisme oui – non. Je ne me sens pas renvoyer irrésistiblement au paroxysme dramatique du pari, en vous citant, bien cher ami. Ma foi humaniste dans le cadre de cette conviction impose des valeurs très proches de celles de notre culture judéo-chrétienne, hormis les valeurs revendiquées par ceux qui estiment nécessaire de convertir l’autre, sans respect et écoute de ses convictions. Je me sens bien au sein de mes valeurs car elles correspondent à la culture engrammée en moi dès ma prime enfance.

Cependant, je ne trouve pas de voie dans ma foi humaniste pour tenter de donner sens à ma mort, sans éternité et sans renaissance pour atteindre la fin des épreuves du Karma. Il faudrait aller quêter une voie dans d’autres traditions spirituelles, pas forcément déistes. J’ai tenté cette ouverture au Bouddhisme sans réussir car il est ardu d’entrer dans une autre culture, en profondeur et sans se travestir. Apprivoiser sa mort est une épreuve pour ceux qui espèrent en un après la mort. Imaginez ce que la mort peut représenter pour ceux qui s’attendent à n’être que poussière. Cet apprivoisement est sans fin. Il faut accueillir le spectre de la mort en lâchant prise aux angoisses, abandonner doucement cette peur, en espérant qu’elle reviendra de moins en moins effrayante les fois suivantes, suivant une démarche apprise dans le Bouddhisme [29]. Cependant, la crainte d’une maladie grave, la révélation de cette maladie, la mort d’un être aimé, celle absurde d’un enfant … imposent de tenter de nouveau d’apprivoiser la mort, sans le refuge d’une espérance radieuse et sans s’abonner dans des rigolades alcoolisées ou dans d’autres « plaisirs » dépourvus d’éthique.

En fait, la vie sans cette espérance et sans ces étourdissements, peut être douce, paisible, émerveillante si chacun apprend à saisir la transcendance dans l’immanence d’événements forts : un amour partagé, les premiers cris de ses enfants lorsqu’ils émergent du ventre de leur mère, le regard radieux d’un ami apaisé…, sans omettre les événements qu’on ne perçoit plus dans le brouhaha de la vie : le coucher du soleil illuminant l’horizon de couleurs rougeoyantes, le chant d’un oiseau qui salue joyeusement le matin qui renait, la rose qui s’épanouit au soleil au sortir de son bourgeon, les premiers pas radieux d’un enfant, le pardon échangé, le courage d’une personne qui sauve un inconnu de la noyade, des flammes, de l’horreur de la guerre… D’autres joies participent à nos vies : réussir un concours, trouver un travail et le conserver en ce temps de crise, se sentir aimé(e) de ses proches... Quant à mon éternité, elle sera dans les quelques graines que je continue de semer tout au long de ma vie. D’autres au cours des générations futures les feront grandir : mes enfants que j’ai souvent maladroitement aidés à devenir des adultes responsables malgré tout mon dévouement, mes grands élèves venus de plusieurs continents de l’Occident à l’Extrême-Orient que j’ai contribué à former jusqu’au doctorat en sciences, tous ceux et toutes celles que j’ai croisés dans ma vie en amour ou en amitié… J’ai donné un peu et j’ai beaucoup reçu, ils sont mes racines. Cette certitude est une belle espérance qui donne sens à mon court passage au sein de l’humanité, sans éternité dans l’au-delà.

Un dernier clin d’œil ! Le janséniste Blaise Pascal croyait que la grâce de la foi n’était réservée qu’à quelques élus, alors qu’une masse nombreuse était destinée à la damnation éternelle. Convaincu que les représentations actuelles de Dieu sont ancrées dans la toute puissance de son amour, s’il est et si ceux qui croient en lui disent vrai, j’ai l’espérance qu’il reconnaîtra les siens, et pourquoi pas les Hommes de bonne foi. Et, si je ne suis pas reconnu, peu me chaut, autrement dit je m’en moque, car je n’ai nullement envie de partager l’éternité avec un tel Dieu.

 Bernard Baudelet : une question à Mathias Schiltz

Avez-vous décidé vers votre vingtième année de devenir prêtre dans votre foi en JC pour gagner l’éternité dans l’amour de Dieu ? Avez-vous accepté de supporter les exigences de la prêtrise, sans rechigner en contrepartie de la joie sans fin ? Avez-vous parié ou répondu à un appel du Seigneur auquel vous croyez ? Ne dit-on pas lors de l’ordination sacerdotale Me voici Seigneur ! J’imagine que vous n’avez jamais pu effectuer un tel pari, à la Pascal.

 Mathias Schiltz

J’ai expliqué dans l’essai V comment l’idée – je devrais dire la vocation – de la prêtrise a germé en moi, s’est estompée pendant un temps et s’est imposée à nouveau avec force après mon bac, de façon presque instantanée. C’était pour moi une évidence que c’était là ma voie, la meilleure façon pour moi de servir Dieu et les hommes. L’idée d’un pari ou d’un calcul ne m’a pas effleuré. J’étais d’ailleurs convaincu et je le suis toujours qu’il y a bien d’autres façons de « gagner son ciel », dans d’autres professions ou comme père de famille par exemple. Et en fin de compte, il n’y a rien à gagner, il n’y a qu’à recevoir. La joie de ma foi, c’est de me savoir connu, aimé et recherché par l’amour du Père qui attire tous ses enfants à lui. Aussi la grande perspective de ma vie n’est-elle pas cette mer plus que jamais ouverte que chante Friedrich Nietzsche après l’annonce de la mort de Dieu. Ce sont les horizons lointains qui s’étendent au-delà de l’Histoire pour déboucher sur la grande récolte finale où Dieu sera tout en tous (1 Co 15,28 ; cf. Col 3,11).

 Bernard Baudelet

Vous n’avez pas parié, moi non plus. Et je m’en réjouis.
Je souhaite dans le temps de ma vie terrestre, demeurer en communion fraternelle avec tous les hommes et les femmes de bonne foi qui cheminent en authenticité. Cet « ici et maintenant », c’est ce que nous possédons en commun et que nous pouvons partager avec émerveillement. Ne nous privons pas !


[1Joseph Moingt déclare Croire quand même, le titre d’un livre qu’il a publié aux Éditions Temps Présent en 2010 à l’âge de 95 ans. Vers la fin, on peut lire Pour le moment, je dirais que j’ai un critère de vérité, c’est que ma foi m’aide à vivre, à penser. Elle ne me retranche pas… de la société dans laquelle je vis ; je reste solidaire de l’humanité, même en crise. Pour le moment, ma foi me donne la conviction que, tant que je la garderai et que je pourrai même la répandre, du moins sous la forme de l’humanisme évangélique, eh bien c’est là où je suis le plus utilement solidaire de la société, et où j’aide l’humanité à évoluer vers un chemin véritablement humaniste, et non pas vers un destin de barbarie qu’on voit poindre…

[2Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites (Mt 25,40). La piété ne consiste pas à tourner sa face du côté de l’Orient ou de l’Occident ... la piété c’est donner de son bien ... aux proches, aux orphelins, aux indigents, aux voyageurs et aux mendiants (extrait du Coran Sourate 2 verset 177). Si chacun ne conservait que ce dont il a besoin, nul ne manquerait de rien (extrait des Lettres de l’Ashram de Gandhi). Le bonheur est né de l’altruisme et le malheur de l’égoïsme (Bouddha). Agissez envers les autres comme vous aimeriez qu’ils agissent envers vous (extrait des Entretiens de Confucius).– Mathias Schiltz : À la suite de Mt 25, un chrétien peut abonder dans le même sens et ajouter à ce propos de nombreuses paroles de Jésus. Je me limite à en citer une qui n’est référée par aucun des quatre évangiles : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Ac 20,35).

[3Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard dans le poème Il n’y a pas d’amour heureux publié par Louis Aragon dans La Diane Française aux Éditions Seghers en 1946

[4Mot utilisé avec des sens quelque peu différents dans le Bouddhisme et l’Indouisme.

[5Cet argument ne tient pas car je connais de nombreux scientifiques de haut niveau qui croient que Dieu est.

[6Oh ! Comment n’aspirerais-je pas à l’éternité … car je t’aime, ô éternité. Surprenante déclaration de celui qui a prédit ’La mort de Dieu", Friedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra.

[7Je ne peux pas faire mienne la conclusion du très beau livre Dieu et le malheur du monde publié par Jean-Marie Ploux, Thierry Niquot et Jacqueline de Tourdonnet aux Éditions de l’Atelier en 2012 : … à travers nos cris et nos larmes d’incompréhension, peut émerger la confiance donnée à un Autre que soi (Dieu), la confiance qui nous conduit à espérer que nos cris ne se perdront pas dans la nuit mais que viendra le moment où nous pourrons reconnaître que Quelqu’un a cheminé prés de nous aux heures où nous étions convaincus d’être seuls, Quelqu’un qui a pris à bras-le-corps nos souffrances, Quelqu’un qui nous a portés pour que nos pieds ne heurtent pas les pierres et que nous puissions traverser l’abîme de nos maux et de notre mort.

[8La transformation silencieuse est le titre d’un des livres de François Jullien, philosophe et sinologue que je considère comme mon maître dans mes recherches et réflexions sur les modes de penser et d’agir en Chine. Ceci sera explicité avec plus de détails dans l’essai VII 2 Autre monde de la complexité : Occident – Chine.

[9 Tel était le malheureux enfant qui, le 25 décembre 1886, se rendit à Notre-Dame de Paris pour y suivre les offices de Noël. Je commençais alors à écrire et il me semblait que dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettantisme supérieur, je trouverais un excitant approprié et la matière de quelques exercices décadents. C’est dans ces dispositions que, coudoyé et bousculé par la foule, j’assistai, avec un plaisir médiocre, à la grand’messe. Puis, n’ayant rien de mieux à faire, je revins aux vêpres. Les enfants de la maîtrise en robes blanches et les élèves du petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet qui les assistaient, étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. J’étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable. Dans Contacts et circonstances, Œuvres en Prose publié aux Éditions Gallimard dans La Pléiade, pages 1009-1010 e.

[10Les raisons qui motivent cette décision de ne pas justifier mon chemin de foi en absence d’éternité sont multiples. La plus importante est certainement mon refus de jouer les gourous ou les maîtres à penser et à croire. La deuxième trouve son origine dans le fait qu’il n’est pas facile de vivre avec la mort comme seul horizon et la poussière comme seul état. En effet, je suis convaincu que sans un travail approfondi sur soi, le risque de vivre dans la désespérance est grand comme est fort la tentation de l’étourdissement pour oublier, voire de croire en apparence. La troisième est justifiée par le fait qu’il faudrait consacrer plusieurs pages pour expliciter ma foi en l’humain sans Dieu, ni cycle des renaissances. En effet, ce mûrissement durant plusieurs décennies ne se résume pas en quelques déclarations intempestives. La dernière raison est pour que cette série d’essais n’apparaissent pas comme un affrontement, même à fleuret moucheté entre un homme de foi en Dieu dont la sincérité et l’authenticité sont certaines et l’homme que je suis et je deviens jour après jour. Une ultime raison est qu’il serait incongru de développer mes arguments dans l’espace d’un journal catholique en profitant de l’espace ouvert pour cette série d’essais sur La vérité. En revanche, il serait intéressant pour moi d’échanger ultérieurement dans l’esprit de ces essais avec une personnalité de la qualité de Mathias Schiltz, si cette cohabitation même amicale ne l’a pas trop importuné. A suivre, comme dans tous les bons feuilletons !

[11L’essai VIII traitera notamment du relativisme.

[12Ainsi, faire l’amour est immanent, le partager avec Amour est transcendant.

[13Loin de moi l’idée, cher Bernard, de vous considérer comme tel. Il s’agit ici de l’exégèse du texte de Pascal.

[14Yannis Constandinidès, Un pari fou ?, in : Blaise Pascal, Il faut parier. Paris 2009. p. 77.

[15Qu’il suffise de citer ici la plus importante : La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir ; mais le divertissement nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort. Pascal, Pensées. Texte de l’édition Brunschvicg. Édition de 1948, fragment 171, p. 119.

[16Traité de la délicatesse (1671).

[17Lettres philosophiques, 25.

[18Pascal, Pensées. Texte de l’édition Brunschvicg. Édition de 1948, fragment 233, pp. 134 et suivantes.

[19Voici comment M. Brunschvicq explique cette expression qui a si vivement choqué Victor Cousin  : S’abêtir, c’est renoncer aux croyances auxquelles l’instruction et l’habitude ont donné la force de la nécessité naturelle, mais qui sont démontrées par le raisonnement même, impuissantes et veines. S’abêtir, c’est retourner à l’enfance, pour atteindre les vérités supérieures qui sont inaccessibles à la courte sagesse des demi-savants. Rien n’est plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison : la parole de Pascal est d’un croyant, elle n’est pas d’un sceptique, in : Pascal, Pensées. Texte de l’édition Brunschvicg. Édition de 1948, note 53, p. 333.

[20Pascal, Pensées, o.c. fragment 233, pp. 134 svv.

[21Dieu seul peut répondre à la question sur le bien, parce qu’il est le Bien (N° 9). Le pouvoir de décider du bien et du mal n’appartient pas à l’homme, mais à Dieu seul (N° 35). La créature sans Créateur s’évanouit. Et même, l’oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même (N° 39). L’éclipse de Dieu provoque l’éclipse de l’homme.

[22Esquisse d’une éthique religieuse juive, Paris 1997 ; Éthique juive et modernité, Paris 1998.

[23Jules Ferry, Lettre aux instituteurs, novembre 1883.

[24Sur tout ce débat, voir l’essai récent de Gaston Pietri, L’enseignement de la morale à l’école, in : Études, Décembre 2012, pp. 631-641. L’auteur prône, en se référant à Michel Foucault, le passage d’une « éthique du code » (référence exclusive aux Droits de l’Homme codifiés) vers une « éthique de la construction de soi » (faisant appel à des motivations capables de susciter des comportements autant que possibles autonomes). – Il se demande en outre si la recherche de positions communes ne requiert pas le dépassement de la distinction entre éthique laïque et éthique chrétienne en faveur de la notion de pratique chrétienne de l’éthique (commune). – Pour cette éthique commune, il y a lieu de se référer également au « Weltethos » préconisé par Hans Küng (cf. e.a. Erklärung zum Weltethos. Die Deklarationen des Parlamentes des Weltreligionen. Hg. von Hans Künge u. Karl-Josef Kuschel, München 1993).

[25Yannis Constandinidès, o.c.. p. 74.

[26O.c. p. 79.

[27Les Provinciales montrent qu’il maîtrise également ce registre. Chateaubriand considère Pascal, « cet effrayant génie », comme le modèle de la plus parfaite plaisanterie (Génie du Christianisme, 3e partie, Livre 2, ch. 6).

[28Romano Guardini, Christliches Bewusstsein, Versuche über Pascal. München 19502, pp. 209-219, surtout 216 sv.

[29J’invite ceux qui ne veulent passer par la case du Bouddhisme, de lire et de pratiquer le livre de Christophe André publié aux Éditions L’iconoclaste en 2011 Méditer Jour après jour. Vous trouverez 25 leçons pour vivre en pleine conscience. Simple et pratique comme un manuel, le livre est illustré de tableaux et accompagné d’un CD de méditations conçues et lues par l’auteur. Un livre tout en couleurs, à s’offrir et à offrir. Je pratique cette méthode depuis plusieurs décennies avec un grand profit.

 
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