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Priedegten 2023  
11 mai 2023

Pas d’Église sans l’Esprit Saint

Homélie de Renée Schmit du 11 mai 2023

Lecture des Actes des apôtres (Ac 1,12-14)

À leur arrivée à Jérusalem, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ; c’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques.

Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.


Monsieur le Cardinal,
Chers frères et sœurs,

Il y a déjà un certain temps où je me rendais à vélo du quartier de la gare vers la ville haute qu’au milieu du Pont Adolphe, sur la piste cyclable, un petit groupe de personnes s’était formé. Comme je me rapprochais, je voyais qu’il s’agissait d’un groupe de lycéens. Plusieurs étaient assis, d’autres étaient proches du grillage de séparation. Arrivée au bout de la piste, je percevais l’envie de rebrousser chemin pour voir ce qui en était de ces jeunes. Au grillage, je voyais une rose blanche attachée. Les jeunes s’étaient rapprochés les uns des autres. Certains pleuraient. Alors je descendais de mon vélo pour rester derrière le groupe. Après quelque temps, je leur demandais ce qui c’était passé. Un jeune m’adressa la parole timidement : « C’est d’ici qu’un de nos copains s’est jeté en bas ». Je ne savais plus quoi dire et encore moins que faire. La seule chose c’était de rester en silence. Quand je m’apprêtais à partir, l’un d’eux se retourna en me disant : « Merci Madame, d’être restée auprès de nous. »

Chers amis,

Il y a des situations où on ne sait plus quoi dire ou faire, des situations où on n’a qu’à rester en silence pour prier.

Dans le texte des Actes des apôtres (Ac 1,12-14), les disciples de Jésus sont aussi réunis dans un moment hautement tragique. Même Marie en est consciente et avec tout un groupe de femmes et des proches de la famille du nazaréen, elle est aussi au rendez-vous.

C’est un moment difficile, car Jésus, leur maître et ami, a été crucifié et par là-même, la tête de leur groupe a disparu. Désorientés, malgré les paroles du Ressuscité qui résonnent encore dans leurs cœurs : « Allez dans le monde entier et faites de tous les hommes mes disciples ! »

Par peur des Juifs et de ce qu’ils avaient fait à leur maître, et dans l’obéissance à ce dernier qui les avait priés de ne pas quitter Jérusalem, ils se retirent non pas par hasard à l’endroit où Jésus avait rompu le pain et célébré la Pâque. Ils se souviennent encore de son Ascension, où il leur avait promis l’Esprit Saint pour devenir ses témoins à partir de Jérusalem jusqu’aux extrémités. Tout cela allait-il se réaliser ? Certains espéraient, d’autres eurent des doutes.

Voilà donc les disciples du Christ à la recherche des signes d’espérance et de consolation qui pourront les relier à leur maître. Dans la prière, cette recherche trouve sa place au sein de la chambre haute.

Une communauté disparate :

  • Pierre, au verbe haut, qui, dans son enthousiasme déconcertant a voulu accompagner Jésus jusqu’à la mort [1] en le reniant trois fois au moment décisif.
  • Jean, le disciple bien-aimé qui malgré sa place privilégiée reconnaissait l’autorité de Pierre dans le groupe,
  • André, le frère de Pierre,
  • Jacques et Jean, les deux fils de tonnerre, hommes fougueux, plein d’élan.
  • Ensuite Philippe et
  • Thomas, l’incrédule,
  • Bartholomée et Matthieu, Jacques, le fils d’Alphée, Simon le Zélote et Judas, le fils de Jacques.

Mais ils ne sont pas seul. Marie est avec eux, ainsi qu’un groupe de femmes et quelques membres de l’entourage familial de Jésus dont on ne saurait dire les noms. Ensemble, ils forment une communauté de prière en attente de l’Esprit Saint.

Ils témoignent de la fidélité comme de la trahison envers Jésus, mais se trouvent maintenant au berceau de l’Église. Malgré leurs fragilités et leurs imperfections, ils forment autour de Marie cette communauté dans laquelle ils vont implorer le même Esprit que Jésus leur avait promis.

C’est Esprit qui leur sera accordé à la Pentecôte, car l’Esprit Saint fera d’eux ces hommes et ces femmes de peur des témoins courageux de la Résurrection. C’est par l’Esprit que la confiance grandira. C’est par l’Esprit qu’ils pourront témoigner de leur expérience spirituelle. C’est par l’Esprit qu’ils auront le courage de quitter Jérusalem pour sortir au large vers d’autres langues et cultures. C’est l’Esprit qui forme l’Église. Cette première communauté devra être baptisée dans le feu de l’Esprit Saint pour vivre la mission du Christ.

Dans une de ces homélies, le Pape disait déjà au début de son Pontificat : « On ne peut pas comprendre le christianisme sans le Saint Esprit : sans lui, la vie ne serait pas chrétienne. Ce serait une vie religieuse, païenne ou pieuse, qui croit en Dieu, mais sans l’ardeur que Jésus veut pour ses disciples. Et c’est l’Esprit Saint qui nous donne cette ardeur. » [2]

Je me rappelle fort bien à l’époque, dans les années 1970/’80, où j’ai fait l’expérience au Renouveau charismatique d’un réveil chrétien sans laquelle je ne serai pas à cette place aujourd’hui. À l’époque, nous étions en chemin, en écoutant la Parole et en apprenant à prier. La prière à l’Esprit Saint jouait justement un grand rôle. Ce fut une nouvelle manière d’être en Église, une Église qui attirait beaucoup de jeunes qui se sont engagés par après de diverses manières dans l’Église et la société. Des hommes et des femmes qui ont pris leurs responsabilités. Cette expérience n’a pas été vécue en paroisse, mais dans des lieux alternatifs, loin des parents et de tout ce qui fait l’appareil de l’Église. Dans ce cadre, nous avons découvert nos charismes et talents, un lieu où nous avons vécu une liturgie vivante qui nous faisait entrer en relation avec le Christ Jésus. En un mot, c’était un lieu où nous avons vécu beaucoup de belles expériences qui nous ont permis de grandir humainement et chrétiennement en ayant expérimenté aussi les limites du leadership. Et aujourd’hui ?

Que devrait-il se passer pour que des expériences semblables puissent être possibles ? Où est-ce qu’il y a encore à l’heure actuelle des lieux d’expérience de ce genre à faire connaître ? Et comment est-ce que nous devrions être pour que d’autres se sentent attirés et intéressés pour demeurer ?

Au cours des trois premiers siècles de l’Église, il n’était pas évident non plus de croire. C’est alors que les gens se sont rassemblés en petits groupes dans leurs maisons. Le message de Jésus se transmettait au cœur des « églises domestiques » [3]. Ces églises domestiques étaient reliées entre elles. Il s’agissait d’un véritable réseau ecclésial qui communiquait par des lettres et des fréquentations intenses entre elles. Une petite église par attraction ! Une église enracinée dans la famille et portée par les adeptes du Christ.

Les premiers chrétiens ont célébré au lendemain du sabbat, le premier jour de la semaine la Résurrection du Christ. Ils étaient solidaires envers les pauvres et ont invité les pauvres dans leurs maisons. Est-ce qu’il serait trop osé de demander que l’on réfléchisse sur ces églises domestiques qui pourront nous inspirer encore à l’heure actuelle ?

Nos espaces pastoraux sont devenus entre temps trop grands et bien anonymes. Beaucoup de chrétiens sont en manque de relations chrétiennes authentiques. Ils ne reçoivent point de nourriture spirituelle à l’intérieur de ces paroisses ou regroupement de paroisses.

Des petites cellules d’Église vivante sur le terrain placées sous la mouvance de l’Esprit Saint pourront être une impulsion pour une Église en sortie dont nous avons besoin. Tout seul, il est impossible de croire et de transmettre la foi. D’ailleurs « Un chrétien seul est un chrétien en danger de mort. » [4] Des églises domestiques en émergence – il y en a certainement. Et il faudrait en parler ensemble.

Chers amis,

Après la pandémie, l’Église ne devient pas plus vivante ni au lendemain de la consultation synodale. Ça ne sert à rien de regarder avec nostalgie vers un passé révolu, ni de faire alliance avec la modernité et l’esprit du monde en toutes choses. Tendre vers une Église qui puise ses forces à la source de la foi est une Église à l’écoute de l’Esprit Saint, seul chemin pour rayonner du Christ.

La situation ecclésiale dans laquelle nous sommes projetés est alarmante. S’enfuir ou démissionner ? Marie nous met en garde.

Pour continuer, nous avons besoin d’hommes et de femmes qui brûlent pour le Christ et pour son message de vie. Nous avons besoin de personnes capables d’aller à contre-courant grâce à une foi bien incarnée. Nous avons besoin d’une Église qui ne mise pas seulement sur des structures, mais d’une Église qui ose une expérience audacieuse dans la foi, une Église prête à abandonner un faire connu pour aller allègrement vers l’avant. Peut-être aurons-nous besoin de nouvelles formes de vie chrétiennes plus proches des hommes et des femmes de notre temps, des formes à inventer ensemble.

Demandons l’Esprit Saint en cette heure, en nous tournons vers Marie, elle, l’experte de la prière et du discernement : qu’elle nous conduise plus loin dans la diversité de nos appels. Amen.

(traduit du luxembourgeois)


[1Lc 22,33.

[2Pape François, Messe dans la chapelle de la maison Sainte-Marthe, 7 mai 2013.

[3Marie-Françoise Baslez, L’Église à la maison. Histoire des premières communautés chrétiennes. Ier-IIIe siècle, Salvator, 2021.

[4Cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles.

 
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