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Année B  
20 octobre 2015

« Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » (Mc 10, 46-52)

Lecture du 30e dimanche selon l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

La guérison de Bartimée est la dernière guérison de Jésus dans l’évangile de Marc, juste avant l’entrée à Jérusalem. En outre, c’est la seule fois où une personne guérie se met à la suite de Jésus.

En ce temps–là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus prends pitié de moi ! » (46-48)

Dans l’Ancien Testament, aveugles et boiteux vont souvent de pair. Les deux handicaps sont liés : incapables de voir le chemin, l’aveugle ne peut marcher sans aide. Or Job dit : « J’étais les yeux de l’aveugle, les pieds du boiteux » (Jb 29,15). En cela il fait ce que fait le Seigneur qui guide l’aveugle sur le « chemin » (Is 42,16) : « Le Seigneur rend la vue aux aveugles, le Seigneur redresse les courbés ». (Ps 146,8)

Au début de la route qui de Jéricho mène à Jérusalem, un aveugle est assis au bord du chemin. L’aveugle est identifié par le nom de son père et, cas absolument unique, ce nom est répété : d’abord en grec, puis en araméen. Seul Marc cite le nom de l’aveugle. Celui-ci invoque avec insistance la « pitié » de Jésus de Nazareth, en l’appelant par deux fois « Fils de David ». Fils de David est un titre royal ! Jésus ne se l’attribue pas. Ce n’est pas à lui de se le donner mais il est reconnu comme tel par le fils de Timée.

Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » (49)

Jésus n’appelle pas directement l’aveugle, il le fait appeler par ceux qui cheminent avec lui, les disciples et la foule. Il réagit ainsi aux menaces de tous ceux qui veulent réduire au silence Bartimée. Il les appelle donc à changer de comportement, il les invite à la conversion. Il les associe à sa mission de faire lever qui était condamné à rester assis. Et c’est à leur voix que l’aveugle lui aussi change d’attitude : Il était assis, suppliant qu’on veuille bien jeter quelque menue monnaie dans son manteau. Il marche de nouveau et vient vers celui qui l’a fait appeler.
L’aveugle rejeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. (50)

Dans la bible, le « manteau » était un vêtement de dessus ample, sans manches, non cousu, avec une ouverture pour la tête. Il protégeait du froid et, la nuit, servait de couverture ou de sac de couchage (Dt 24,10-13). Le mendiant assis pouvait donc recevoir les aumônes dans la partie antérieure du manteau étendue sur ses genoux. Le vêtement, dans la bible, a aussi une signification symbolique. Quand l’aveugle rejette son manteau cela signifie qu’il « se dépouille de ses biens » pour posséder une richesse meilleure et stable.

Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » (51)

En réponse à la question de Jésus, Bartimée donne à Jésus un nom surprenant : « Rabbouni ». Ce nom n’est pas utilisé ailleurs dans les évangiles synoptiques, seulement une seule fois dans l’évangile de Jean (20,16). « Rabbouni » est une forme affectueuse, différente du simple « Rabbi », utilisé dans Marc par Judas Iscariote (Mc 14,45). Dans l’évangile de Jean, Marie Madeleine, qui a vu Jésus mourir crucifié, reconnait dans le jardin Jésus ressuscité, après l’avoir pris pour le jardinier. En s’exclamant « Rabbouni », Marie exprime spontanément l’émotion de la présence retrouvée, mais aussi subitement sa foi (Jn 20,16). Avec cette appellation, Bartimée, lui aussi, exprime sa foi en Jésus, fils de David, le seul qui peut le sauver.

Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et suivait Jésus sur le chemin (52).

L’aveugle abandonne la fausse sécurité de sa place au bord de la route et du manteau dans lequel il recueillait les offrandes que les gens y jetaient : il se lève et suit Jésus. À l’appel du Seigneur, plus rien ne compte ! Bartimée, qui demandait l’aumône, en vient à tout abandonner avec son manteau pour se donner au Seigneur. Il y a dans ce geste une profession de foi, comportant en même temps une conversion du cœur.

Jésus reconnaît « la foi » de celui qui a cru non seulement à la puissance du fils de David, mais aussi à la parole de la communauté de ceux qui l’ont suivi. À la fin le voilà agrégé à leur groupe pour accompagner Jésus.

Si l’aveugle ne marche pas, c’est qu’il ne voit pas. Cependant, Jésus le fait se « lever » et « marcher à nouveau » avant de le faire « voir à nouveau ». L’ordre naturel : voir d’abord, marcher ensuite, est renversé. L’ordre de Jésus est celui de la foi qui demande de faire avant de voir, de faire pour voir.

Ce n’est pas tellement étrange, car cela se vérifie dans l’expérience humaine de la relation avec l’autre, spécialement de la relation amoureuse. Il arrive toujours un moment où l’on doit faire confiance, faire le pas de donner son accord, sans savoir où l’on sera conduit, renonçant à « savoir l’autre » pour pouvoir cheminer avec lui. Tel est la voie de tout engagement, qu’il soit celui du mariage ou celui de la consécration religieuse ou sacerdotale. L’adhésion est un acte d’amour, de confiance.

Source : Roland Meynet : L’évangile de Marc. Gabalda et Cie, Éditeurs, France 2014, ISBN 978-2-85021-233-8.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

Charlotte LANGEHEGERMANN
 
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