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Année C  
28 janvier 2016

Jésus est venu pour tous (Luc 4,21-30)

Lecture du 4e dimanche du temps ordinaire selon l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

Nous retrouvons l’évangile là où nous l’avons quitté dimanche dernier, dans la synagogue de Nazareth. Jésus affirme que la parole des prophètes s’accomplit aujourd’hui. Si les auditeurs commencent par exprimer leur admiration, assez vite l’histoire tourne mal, jusqu’à la tentative de meurtre sur Jésus par la foule en colère. Au seuil de la vie publique de Jésus il y a dans le passage que nous méditons aujourd’hui une sorte de résumé de tout l’Évangile, un raccourci de la vie de Jésus : « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu » dira saint Jean (1,11).

En ce temps-là, dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d’Isaïe, Jésus déclara : « Aujourd’hui s’accomplit le passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâces qui sortaient de sa bouche. Ils disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : « Médecin, guéris-toi toi-même », et me dire : « Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais de même ici dans ton lieu d’origine ! » Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays » (4,21-25).

Jésus vient de dire à la synagogue de Nazareth que la prophétie d’Isaïe sur l’intervention finale de Dieu en faveur des hommes est maintenant accomplie. La première réaction des auditeurs est l’admiration pour Jésus et son message : Tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui (4,20), tous lui rendaient témoignage (4,21). Pourtant, la déclaration d’accomplissement (4,21) déclenche une surprise, un étonnement : Comment le « fils de Joseph » peut-il annoncer que l’ère eschatologique de la grâce prédite par Isaïe est advenue ? Jésus anticipe la demande de guérison de ses compatriotes et il devance ainsi leur désir de mettre la main sur lui, de l’enfermer dans un territoire et une généalogie. En recourant à un dicton populaire, Jésus les prévient : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays » (4,25). Luc décrit le face à face de Jésus avec ses compatriotes comme un conflit.

Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman, le Syrien. »

Jésus part de l’Écriture pour révéler à ses compatriotes que depuis toujours Dieu a franchi toutes les frontières et transgressé toutes les limites. Le salut n’est pas réservé aux fils d’Israël. Dieu s’intéresse aussi aux païens et ceux-ci sont parfois plus près du salut que ceux qui se disent croyants. C’est ce qui se dégage des deux histoires des prophètes Élie et Élisée. L’histoire d’Élie (1 R 17) met en scène une veuve de la ville de Sarepta en plein pays païen. Élie lui demande l’hospitalité et, malgré sa pauvreté, elle vient en aide au prophète étranger dans lequel elle reconnaît un homme de Dieu. Cela a suffi pour qu’Élie accomplisse pour elle deux miracles. D’abord il la sauve de la famine. La fameuse promesse d’Élie est bien connue : « Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » (1 R 17,14). Le deuxième miracle est la guérison de son fils unique. Cette païenne a su se montrer accueillante à ce prophète étranger au moment même où il était un exclu dans son propre pays.

L’histoire d’Élisée (2 R 5) raconte la rencontre du prophète avec Naaman un général syrien. Naaman est atteint de lèpre. Il a eu vent des talents de guérisseur du prophète Élisée et se rend chez lui en grande tenue, bardé de cadeaux et de recommandations. Mais Élisée le décevra un peu et c’est seulement quand il aura accepté de se plier humblement aux ordres du prophète que Naaman sera guéri : « Va ! Lave-toi sept fois dans le Jourdain ». Il se soumet donc et il descend jusqu’au Jourdain : geste très simple qui lui paraît dérisoire, à lui, général, favori du roi de Damas. …mais geste symbolique d’humilité et de soumission au prophète du Dieu d’Israël. Le général est guéri et se convertit au Dieu d’Israël. Une païenne, la veuve, un général ennemi, païen, lépreux, aucun des deux ne peut prétendre avoir des droits sur le Dieu d’Israël …ce sont ces pauvres qui ont été comblés : Jésus n’ajoute rien de plus, mais tout le monde comprend.

À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin (4,28-30).

Les Nazaréens deviennent furieux parce que Jésus leur rappelle que des prophètes aussi prestigieux qu’Élie et Élisée ont été envoyés à des étrangers. Au fond ils sont incapables de reconnaître que tout étranger est un frère parce qu’il est lui aussi fils de Dieu. Ils ne comprennent pas non plus que tout familier est, pour une part, « étranger » : il est en effet porteur d’un mystère qui nous échappe et Dieu vient nous trouver à travers lui. Jésus le compatriote des gens de Nazareth est en même temps le plus étranger qui soit. Image du Dieu invisible, il est celui qui franchit la distance incommensurable entre Dieu et l’homme. En évoquant la bienveillance de Dieu pour une veuve de Sarepta et un lépreux Syrien, Jésus provoque une fureur qui prélude à la Pâque. C’est parce qu’il proclame l’amour universel de Dieu et l’ouverture à tout homme de l’Alliance d’Israël que Jésus sera crucifié. Mais par cette crucifixion même, le Christ ouvrira à tous les hommes la demeure de Dieu.

Source : Roland Meynet, L’Évangile de Luc, éditions Lethielleux, 2005, ISBN 2-283-61239-X.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

Charlotte LANGEHEGERMANN
 
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