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16 avril 2014

L’Europe et l’Asie : Les défis culturels et religieux dans le monde globalisé

L’archevêque Jean-Claude Hollerich a donné une conférence au Collège des Bernardins dans le cadre du séminaire « La globalisation, une question spirituelle ? »

Au Japon tout est différent – telle était la constatation du Père Valignano, célèbre visiteur de la province du Japon lors de la première mission de la Compagnie de Jésus. Quoiqu’il reste différent de l’Europe, le Japon est devenu aujourd’hui, par le fait de la mondialisation, une société moderne ou plutôt la société post-moderne par excellence. Tokyo, la capitale d’où déferlent toutes les nouvelles vagues, est une mégalopole ou la société confucéenne s’effrite à ses bords, a dépassé l’Europe dans le sens du post-moderne : une société consumériste à l’extrême, où l’individu isolé n’échappe plus à sa solitude dans une société sécularisée, où la religion ne semble plus que consister dans un rituel qui ne donne qu’une façade de sens… le Japon un pays, où la jeunesse en crise de sens risque de suivre une extrême-droite qui semblerait leur rendre l’honneur. Et pourtant l’Eglise y est en train de croitre, timidement, certes non pas à la campagne, mais dans les villes, dans la ville. Dans ce pays de mission la crise de sens donne une chance aux nouvelles religions dont le christianisme.

Le roman « Coin Locker Babies » (Les bébés de la consigne automatique) de Murakami Ryu nous montre deux anti-héros, figures de manga plutôt que des personnages de roman. Ces deux jeunes sont devenus frères par l’absence d’une mère, l’absence de racines. La recherche de leurs racines n’aboutit pas, ils ne peuvent que retracer leur origine jusqu’aux consignes automatiques de la gare de Shinjuku. Ce roman me semble symboliser à merveille la situation des jeunes au Japon avec qui j’ai partagé mes dernières années.

Un enseignant japonais, ancien étudiant de philosophie de l’université Sophia, passait ses nuits à roder dans le quartier de Shibuya, quartier jeune par excellence, à la recherche des drogués, des paumés, des prostitué(e)s mineur(e)s…un témoin de tant de suicides, mais qui pour certains ouvre un nouvel avenir avec des paroles d’espérance. Son expérience montre que cette vue apocalyptique de Murakami Ryu existe bel et bien dans le Japon moderne. Il est devenu célèbre au Japon comme un enseignant modèle, un homme qui a vraiment soin des autres. Quoique n’étant pas chrétien, cet enseignant se nourrit d’un humanisme chrétien tels les héros des romans d’Endo Shusaku.

Naturellement il serait faux de dépeindre tous les jeunes japonais comme des êtres déboussolés, mais les cas extrêmes montrent la pathologie d’une société qui dans son entièreté souffre du même virus, même si les symptômes sont beaucoup plus faibles ou n’apparaissent pas encore.

L’Europe est-elle tellement différente ? L’attraction de nos jeunes pour les mangas japonais ne montre-t-elle pas les mêmes symptômes ? Nos jeunes qui souvent n’ont plus deux parents, mais de nouvelles familles, compliquées, où les racines viennent aussi à manquer. Sommes-nous prêts à annoncer l’Evangile au monde de nos jeunes ? Avons-nous les paroles qui peuvent les toucher dans leur vie ?

L’effort soutenu de l’Eglise de prouver les racines chrétiennes de notre culture européenne, quoique juste et vrai, ne semble plus convaincre les gens éloignés de l’Eglise, qui ne paraissent plus partager le même langage. Mais le fait de vouloir prouver ces racines chrétiennes ne nous ferme-t-il pas trop les yeux sur le présent et sur le changement radical de paradigme dans notre société ? Le regard tourné vers la tradition et le passé ne nous ferme-t-il pas le regard vers les défis d’aujourd’hui qui nous ouvrent les chances de demain ? Les jeunes en Europe ne souffrent-ils pas du même manque de racines que leurs frères japonais… et nous expliquons des racines chrétiennes à des générations qui ne connaissent plus l’histoire.

Il est plus facile de voir les changements de paradigme dans une autre culture que la nôtre, notre propre histoire, notre propre expérience nous rattachant au paradigme qui est en train de glisser vers le passé. Ainsi le Japon, pays post-moderne par excellence, peut-il nous servir de miroir pour distinguer clairement et distinctement les changements qui sont en train de s’opérer dans notre société. L’Eglise, et pas seulement elle, mais toutes les institutions porteuses de sens, courent le danger d’atteindre de moins en moins les jeunes. Nous sommes en danger de perdre l’histoire.

Permettez-moi de citer un autre roman de Murakami Ryu « From The Fatherland With Love ». Ce sont justement les paumés et les abandonnés de la société qui sauvent le Japon d’une invasion coréenne et qui font éviter que l’ile de Kyushu ne soit occupée par des militaires de la Corée du nord. Le pape nous dit d’aller vers les périphéries, osons aller aux périphéries de notre culture… nous ne sommes pas les propagateurs d’une « Weltanschauung », nous sommes les témoins de l’Evangile.

Jean-Claude HOLLERICH
jean-claude.hollerich@cathol.lu
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Article publié dans le journal « La Croix » dans le cadre de l’intervention de l’archevêque Jean-Claude Hollerich le 8 avril 2014 lors du séminaire « La globalisation, une question spirituelle ? » de la Chaire du Collège des Bernardins présidée par Andrea Riccardi. La conférence du père-Evêque était intitulée : « L’Europe et l’Asie : Les défis culturels et religieux dans le monde globalisé ».

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