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Année B  
27 septembre 2015

Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! (Mc 10,2-16)

Lecture du 27e dimanche selon l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

Dans l’évangile de ce dimanche saint Marc nous raconte une discussion entre Jésus et les pharisiens sur la question de la licéité du divorce.

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme » ? (2)

Dès le début du texte, Marc dit que les pharisiens s’approchent de Jésus pour le tenter. Il interprète la conduite des pharisiens qui ne sont pas mus par le désir de vérité. Ce qui les intéresse, c’est de mettre Jésus à l’épreuve, pour le faire achopper. Dans leur malignité, ils ne pouvaient pas trouver de meilleur sujet que celui, très sensible et fort discuté, des conditions du divorce.

Au temps de Jésus, la légitimité du divorce n’était pas en question, mais les docteurs de la Loi n’étaient pas d’accord sur l’extension du motif qui permettait le divorce. L’école de Hillel était très large et acceptait n’importe quel motif de désagrément pour le mari (même d’avoir laissé brûler un plat !) ; pour l’école de Shammaï au contraire, seule la conduite scandaleuse de la femme et l’infidélité au mari pouvait être cause de divorce.

La question des pharisiens est un piège. Selon leurs attentes, Jésus ne pourra pas échapper : il devra obligatoirement prendre un parti contre l’autre. S’il va du côté de Shammaï, qui n’acceptait le divorce qu’en cas d’adultère ou de prostitution de la part de la femme, il sera accusé d’être dur et sans pitié ; si au contraire il va du côté de Hillel, qui permettait au mari de répudier sa femme sous n’importe quel prétexte, même pour avoir laissé brûler un plat, alors on l’accusera de laxisme. Pour lui il n’y a pas d’échappatoire !

Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » (3)

Comme il arrive souvent, Jésus répond à une question par une autre question. Ce n’est pas là une manière de se dérober habilement devant une question embarrassante ; c’est au contraire la façon la plus directe de renvoyer les interlocuteurs à eux-mêmes, à ce qu’ils savent déjà, sans qu’on ait besoin qu’on les instruise. C’est aussi une manière délicate mais efficace, de déjouer la « tentation », le piège qu’on voulait lui tendre. Jésus n’a pas à donner un avis sur le problème qui lui a été soumis ; Moïse ne l’a- t-il pas prévu dans la Loi ? Par leur réponse, les pharisiens qui avaient interrogé Jésus montrent bien qu’ils n’avaient pas besoin de demander à Jésus ce que la Loi avait commandé.

Les pharisiens lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation ». Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne seront plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »(4-9).

Jésus, dans sa réponse prend une position très claire : au-delà de la concession mosaïque. Il fait rebondir le problème, tout en restant strictement à l’intérieur de la Torah. En-deçà des commandements de Moïse, il remonte à l’origine, au principe, à l’intention même de Dieu. Jésus renvoie ses interlocuteurs aux premières pages des Écritures, à la création : « au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme ». Et il les renvoie à Dieu en personne : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (9).

Jésus ne se range ni à droite avec Shammaï ni à gauche avec Hillel, il se tourne vers le haut, vers Dieu, comme l’auteur du psaume 124 le signale : « vers toi, j’ai les yeux levés, qui te tiens au ciel ».

Jésus ne nie pas que Moïse ait concédé la possibilité du divorce. Mais il l’interprète comme une concession à la faiblesse des fils d’Israël, « en raison de la dureté de vos cœurs, Moïse a formulé pour vous cette règle »(5). Jésus dévoile la sclérose de leur cœur, il entend être fidèle à la parole originaire de Dieu (6-9).

Jésus prend ainsi ses distances, il n’envisage aucune exception à la loi de l’indissolubilité du mariage. Pour l’évangéliste Marc la loi est absolue, comme pour le prophète Malachie qui déjà avant la venue du Christ s’opposait clairement au divorce (Ml 2,13-16). Ce texte fait allusion à (Gn 2,24), et Marc le cite au verset 8.

De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara :
« Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère » (10-12).

À la maison, les disciples reviennent sur le sujet (10-12). La question est certainement posée à propos de la controverse sur le divorce (2-9). Jésus avait conclu la discussion avec les pharisiens, sur la licéité du divorce, par une condamnation claire de cette pratique. Or, avec les disciples, Jésus va plus loin et examine le cas de ceux qui, après un divorce, contractent une nouvelle union. Ce n’est donc pas seulement le divorce qui est condamné (9), c’est aussi le remariage de qui a répudié son conjoint qui est déclaré, par deux fois, un « adultère » (11.12). Cela ne fait que renforcer l’invalidité du divorce, ou, en d’autres termes, l’indissolubilité du mariage. Jésus précise que l’adultère est commis « contre » le conjoint (11). C’est donc un péché qui blesse le prochain et le prochain le plus proche, celui avec lequel l’homme ou la femme forme « une seule chair ». En outre, ce même verbe « commettre l’adultère », utilisé deux fois par Marc (11.12), reprend celui du commandement du Décalogue : « Tu ne commettras pas l’adultère » (Ex 20,14 ; Dt 5,18). Ce péché représente donc une désobéissance à la loi divine ; c’est donc un péché contre Dieu lui-même. Déjà la formule « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (9) disait clairement qu’avec le divorce l’homme s’oppose directement à la volonté de Dieu, se sépare de lui, le répudie, que l’adultère envers le conjoint est aussi, en fin de compte, un adultère envers Dieu.

On présentait à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas ». Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. (12-16).

Jésus est un homme hors commun : on veut donc le voir, chacun désir le toucher. Jésus ne se refuse pas à ce jeu émouvant de l’affection populaire. Il accepte le contact, embrasse ces enfants qu’on lui apporte et pose sur eux ses mains. Mais il ne s’en tient pas là. Il poursuit et invite à poursuivre le mouvement qui a porté ceux qui sont venus vers lui. Par sa bénédiction – comme toute bénédiction se fait au nom du Seigneur, Dieu de l’univers –, il invite à porter le regard et la pensée au-delà de sa propre personne vers Celui d’où ses auditeurs viennent ainsi que lui-même. C’est vers Lui que doit tendre leur désir, comme vers le Père dont ils sont les enfants.

Les disciples veulent protéger leur maître de la pression de la foule. Ces gens ne comprennent-ils donc pas qu’il a autre chose à faire que de toucher leurs marmots ! Comme pour ceux qui apportent leurs enfants, le désir des disciples, pourtant bien compréhensible, est cependant déplacé lui aussi. Jésus, si patient avec les autres, se fâche pour de bon avec ceux qui ont quitté jusqu’à leur propre famille pour le suivre. C’est que l’affaire est d’importance : il ne s’agit de rien moins que de la condition indispensable pour être admis dans le règne de Dieu. C’est à ceux qui sont pareils à de petits enfants qu’appartient le règne de Dieu (14). Et, de peur qu’ils n’aient pas bien compris, il le répète de manière plus forte encore : personne n’entrera dans le règne de Dieu s’il ne l’accueille comme un enfant (15).

L’épisode des enfants (13-16) semble, à première vue, ne rien avoir à faire avec le précédent (2-12). L’enfant en effet est encore attaché à son père et à sa mère, bien loin encore du temps du mariage et de la tentation du divorce. L’affirmation surprenante de Jésus ne signifie certes pas que le règne de Dieu est réservé à ceux qui ne sont pas mûrs sexuellement ! L’enfant est celui qui se laisse porter par ses parents, qui s’abandonne dans les bras de Jésus et accepte d’être béni, confié ainsi aux soins de Dieu. L’enfant est celui qui fait confiance. Il est l’image et le modèle de ceux qui accueillent « le règne de Dieu », c’est-à-dire qui acceptent que le Seigneur règne totalement, sans division, sur eux, qui ne sont donc pas adultères envers lui.

Charlotte Langehegermann

Source : Roland Meynet : L’évangile de Marc. Gabalda et Cie, Éditeurs, France 2014, ISBN 978-2-85021-233-8.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

 
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