N’ayons plus peur d’aimer

Mt 11,2-11

« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » En posant cette question, Jean-Baptiste est-il pris par le doute sur l’identité de Jésus ou veut-il plutôt que ses disciples rencontrent le Christ, qu’ils découvrent qui est vraiment Jésus ? Cette question de Jean-Baptiste est aussi pour nous, aujourd’hui. Doit-on en attendre un autre ? En effet, si nous n’avons pas découvert que Jésus Christ est la réponse définitive et ultime de Dieu pour chacun de nous, alors nous devons en attendre un autre. Si le Fils bien aimé du Père n’est pas un absolu dans notre vie alors, effectivement, nous devons en attendre un autre.

Vivre en chrétien n’est pas autre chose que vivre du Christ, par lui et en lui : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20). Découvrir le Christ est un véritable défi, car ce n’est pas seulement une question de connaissance intellectuelle : il s’agit plutôt d’une connaissance du cœur. Or, pour que notre cœur soit éveillé à cette présence extraordinaire, il faut d’abord rencontrer le Christ personnellement, croiser son regard, le toucher. C’est certainement la raison pour laquelle Jean Baptiste envoie ses disciples questionner Jésus, afin que l’amour s’éveille en eux et qu’ils le connaissent non plus par ouïe dire mais par leur propre expérience.

En effet, un amour ne peut pas naître à partir d’une opinion, à partir de ce que les autres disent : « qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? ... un homme habillé de façon raffinée ? »

Il faut passer de l’opinion à l’expérience personnelle pour être dans la vérité car un amour naît uniquement d’une rencontre réelle. Jean-Baptiste est celui qui est envoyé par Dieu pour cela : pour provoquer cette rencontre. Il annonce celui qui est déjà là : « Voici l’Agneau de Dieu » et non pas, comme les autres prophètes, celui qui doit venir. C’est pour cela qu’il est « plus qu’un prophète ». Cependant cette rencontre personnelle avec le Christ n’est pas facile pour nous qui avons été formés en séparant en nous la connaissance de l’amour. En nous inculquant que la première étant scientifique est objective et exacte alors que l’amour, lui, n’est que subjectivité incertaine donc méprisable. La connaissance et l’amour ont été séparés dans notre cœur alors qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Mais saint Jean dit : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. » (1 Jn 4,8). Il est urgent de redécouvrir ce lien entre la connaissance et l’amour tel que nous le présente saint Jean.

Le pape François nous dit, dans l’encyclique Lumen Fidei (n°27) : « Celui qui aime comprend que l’amour est une expérience de vérité, qu’il ouvre lui-même nos yeux pour voir toute la réalité de manière nouvelle, en union avec la personne aimée. » Cette phrase pleine de bon sens parait anodine mais elle tacle toute la pensée de la philosophie moderne. Oui, l’amour nous ouvre à une vérité nouvelle, plus profonde et plus authentique que tout autre type de connaissance. Ne pouvons-nous pas aller jusqu’à affirmer que l’amour est source de la connaissance la plus vraie ? On m’objectera que « l’amour rend aveugle » mais, précisément, n’est-ce pas lorsque la vérité est séparée de l’amour que celui-ci rend aveugle ?

L’amour lié à une connaissance qui cherche la vérité devient lucide, permet d’aller beaucoup plus loin que n’importe quel autre type de connaissance. Si notre cœur aime, alors « se dessilleront les yeux des aveugles et s’ouvriront les oreilles des sourds » et nous le connaîtrons vraiment.

N’ayons plus peur d’aimer.

L’auteur est prêtre de la communauté Verbum Spei, aumônier universitaire, communauté pastorale Esch-sur-Alzette.

Source : Luxemburger Wort