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Année B  
22 septembre 2015

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous »

Lecture du 26e dimanche suivant l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». (Mc 9,38-43.45.47-50)

Dans l’évangile de ce dimanche les douze apôtres sont réunis autour de Jésus, et c’est à eux qu’il adresse son discours. Jésus les a choisi (Mc 3,13-19), les a envoyé en mission Mc 6,7) ; et leur a donné pouvoir de prêcher et de chasser les esprits impurs (ou démons).

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent ». (38)

Le groupe des disciples est bien délimité et a conscience d’avoir reçu le pouvoir de chasser les démons. Mais Marc signale que l’autorité qui leur avait été donnée sur les esprits impurs leur a été retirée, comme cela vient de se vérifier avec le jeune possédé (Mc 9,18). Il n’est pas étonnant qu’ils réagissent aux prétentions de ceux qui, sans faire partie de leur groupe, osent chasser les démons au nom de Jésus.

Jean, l’un des Douze n’a pas compris la leçon. Il imagine que leur maître est, comme eux, jaloux de son pouvoir. Qu’un étranger à leur groupe exerce un pouvoir qu’ils ont eux-mêmes perdu leur est insupportable. Jean a exactement la réaction de Josué (dans la première lecture), une réaction d’exclusion.

Durant l’exode, le Seigneur met de son esprit sur les soixante-dix anciens qui devaient seconder Moïse et ils se mettent à prophétiser. Eldad et Médad qui étaient restés au camp prophétisent aussi, et Josué fils de Noun l’annonce à Moïse en disant : « Moïse, Monseigneur, empêche-les ! » Moïse lui répondit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Puisse tout le peuple du Seigneur être prophète, le Seigneur leur donnant son Esprit ! » (Nb 11,28-29).

Jésus répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; car celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et (car) celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense » (39-41).

Moïse s’était réjoui et avait reproché à Josué cette forme de jalousie. Jésus intervient très fermement : « Ne l’empêchez pas, car… ». Comme Moïse, Jésus refuse d’entrer dans le jeu pervers de l’envie. Il donne les raisons de son opposition à la conduite de ses disciples par rapport à celui qui chassait les démons sans faire partie de leur groupe.

En plus, (41) il envisage le cas de personnes qui n’appartiennent pas au groupe de ses fidèles, mais qui les assistent, même très modestement, parce qu’ils font partie des disciples. Il s’agit donc encore de ceux du dehors qui font le bien, comme celui qui chassait les démons, sans suivre Jésus, mais en agissant « en son nom ».

Comment les disciples pourraient-ils repousser le verre d’eau qu’on leur offrirait, justement à cause de leur qualité de disciples ? La logique insensée qu’ils suivent est ainsi démasquée, non sans une pointe d’humour, semble-t-il.

« Celui qui scandaliserait un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudraient pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main te scandalisait coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas. Et si ton pied te scandalisait, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds. Et si ton œil te scandalisait, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. » (42-48)

La géhenne est une vallée au sud de Jérusalem. Elle est maudite depuis le temps où l’on y faisait des sacrifices humains, on y brûlait cadavres et détritus (2R 23,10). Elle était devenue le symbole de l’horreur absolue. Les prophètes localisaient dans la géhenne le châtiment des impies au Jour du Jugement de Dieu.

Le prophète Isaïe annonce le Jugement de Dieu par le feu (Is66, 15-16). Le verset final d’Isaïe : « Et on sortira pour voir les cadavres des hommes révoltés contre moi, car leur ver ne mourra pas et leur feu ne s’éteindre pas, ils seront en horreur à toute chair » (Is 66,24) se trouve dans le verset 48 de notre texte.

Comme le feu, le sel purifie. Le prophète Elisée alla vers la source des eaux de Jéricho qui étaient malsaines et il y jeta du sel et dit : « Ainsi parle le Seigneur : ’J’assainis ces eaux ; il n’en proviendra plus ni mort, ni stérilité’ ». (2R 2,21).

Le nouveau-né est frotté de sel. (Ez 16,4). Le sel donne goût à l’existence (50). Il qualifie le langage fraternel (Col 4,6 ; Jc 3,12).

Il est évident que Jésus ne conseille à personne de se mutiler. Mais par ces phrases si violentes, il veut nous faire découvrir ce qui est en jeu ici, à savoir la cohésion de la communauté. Les trois exemples de la main, du pied et de l’œil auxquels il vaut mieux renoncer pour éviter le feu éternel permettent de comprendre l’ensemble de la dernière partie.

« Car tous seront salés par le feu. C’est une bonne chose que le sel ; mais si le sel devient insipide, avec quoi l’assaisonnerez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres. » (49-50)

Sacrifier la partie de soi-même qui serait occasion de scandale pour les « petits », les membres les plus faibles de la communauté, est la condition pour sauver sa vie, éviter d’être précipité dans « le feu » ou dans « la mer ». Quant au sel, c’est ce qui purifie, qui neutralise la part mauvaise, qui assainit ce qui pourrit non seulement la vie de l’individu, mais aussi la paix de la communauté (49-50). Qui voudrait éviter d’être « salé par le feu du jugement de Dieu, d’« être jeté dans la mer », doit comprendre qu’il est bon pour lui de se purifier pendant qu’il est encore temps.

Au début de l’évangile de ce dimanche, Jean rapporte à Jésus comment ils ont voulu empêcher quelqu’un de chasser les démons, sous prétexte qu’il ne les suivait pas. Ayant perdu eux-mêmes ce pouvoir, ils ne supportent pas qu’un autre l’exerce. Leur désir de toute-puissance se manifeste dès le début, quand en chemin ils discutent pour savoir « qui est le plus grand » (9,34). Jésus entraîne ses disciples bien loin de ce qui, à Capharnaüm, était leur préoccupation majeure.

Ils n’ont pas encore réalisé que pour être le plus grand, il n’est pas d’autre chemin que de renoncer au pouvoir pour se mettre au service de tous. Le revendiquer au contraire reviendrait à écraser les « petits » qui croient en Jésus, les disciples les plus démunis qui seraient ainsi « scandalisés » par la conduite des responsables de la communauté. Par sa longue mise en garde (42-50), Jésus invite les Douze à purifier leur regard et leur conduite, sans laisser le sel dont il les frotte perdre sa force de purification.

Les disciples sont possédés de la volonté de puissance et de l’esprit de jalousie. Ils sont menacés d’être « jetés à la mer », ou au « feu inextinguible ». Ils reçoivent de Jésus l’enseignement qui leur permettra « d’entrer dans la vie », d’échapper à la mort, d’échapper à l’emprise des démons et d’entrer au contraire « dans le règne de Dieu ».

Charlotte Langehegermann

Source : Roland Meynet : L’évangile de Marc. Gabalda et Cie, Éditeurs, France 2014, ISBN 978-2-85021-233-8.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

 
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