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Année B  
13 octobre 2015

Le Fils de l’homme est venu pour servir (Mc 10, 35-45)

Lecture du 29e dimanche selon l’approche de la rhétorique sémitique de Roland Meynet

Du groupe des disciples, deux hommes se détachent, peut-être les plus courageux ou encore les plus clairvoyants ? Ce sont les deux fils de Zébédée : Jacques et Jean frère de Jacques, auxquels Jésus a donné le nom de Boanergès, c’est-à-dire fils du tonnerre (Mc 3,17).

En ce temps-là, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous ». Il leur dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Ils lui répondirent : « donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans la gloire. » (35-37)

Il semble que Jacques et Jean aient bien mérité le surnom que Jésus leur a donné quand ils les a choisis pour être au nombre des Douze : ils sont vraiment « fils du tonnerre » ! Tel l’éclair soudain dans un ciel serein, leur demande explose à l’improviste, prenant les dix autres au dépourvu. Leur caractère impétueux leur donne l’audace de solliciter d’abord un chèque en blanc, puis de ne demander rien de moins que les premières places.

Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire et être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? » Ils lui dirent : « Nous le pouvons. » (38-39)

En réponse à la question de Jésus, ils n’éprouvent pas la moindre hésitation : ils pourront boire son calice et être baptisés de son baptême. Ils sont sûrs d’eux-mêmes, comme ils sont sûrs du pouvoir absolu de leur maître. Ils savent ce qu’ils veulent et ne reculent pas devant les conditions nécessaires pour rejoindre le but qu’ils se sont assigné. Jésus ne réprimande pas les deux frères : il prend appui sur leur désir. Ils veulent partager sa gloire : c’est là aussi la volonté de leur maître. Mais Jésus les met en garde : « vous ne savez pas ce que vous demandez ». Jésus commence par relever leur total manque de sagesse, cela signifie que leur requête est gravement faussée. Les deux disciples ne voient pas le chemin qu’il leur faudra parcourir pour être assis dans la gloire du maître.

Jésus leur ouvre les yeux : il leur faudra boire la même coupe, être baptisés du même baptême que lui, c’est-à-dire passer par la Passion. L’expression « boire la coupe », est une image, qui dans l’Ancien Testament, représente l’épreuve et la souffrance. Jésus parle aussi de la coupe à la dernière Cène (14,23) et à Gethsémani (14,36). L’image du baptême représente les eaux par lesquelles l’homme est submergé. C’est une des métaphores principales de l’angoisse et de la mort, notamment dans les psaumes. Jacques et Jean veulent être assis dans la gloire de leur Maître, ils se voient renvoyés à la Passion, la leur, qui sera identique à celle de Jésus.

Jésus leur dit : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. » (39-40)

Jésus veut avant tout vérifier si ses disciples sont prêts à l’accompagner sur le chemin de la Passion et il confirme leur engagement quand il annonce qu’ils boiront son calice et partageront son baptême. Mais là ne réside pas la plus grande distorsion de leur requête. Jésus, en effet, semble refuser de promettre ce qu’ils ont demandé, bien qu’il ait constaté qu’ils rempliront les conditions pour arriver à la gloire. Effectivement, il refuse la toute-puissance que les deux frères lui attribuent et les renvoie au seul qui a le pouvoir de « donner » la gloire qu’ils ont sollicitée. Jésus ne veut pas être confondu avec le Père : les disciples doivent le reconnaître comme le Fils, celui qui attend que la gloire lui soit donnée par un autre. Ce faisant, il invite les fils de Zébédée à devenir, comme lui, fils de Dieu.

Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean (41).

Les dix autres s’indignent. Comme les deux frères, ils savent très bien quelle est la loi du monde, d’autant plus qu’ils viennent de prouver qu’ils la suivent eux-mêmes.

Jésus les appela et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chef des nations les commandent en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir (42).

Chez les nations païennes les rapports d’autorité sont le plus souvent régis par la volonté de puissance et de domination. Il suffit d’ouvrir les yeux pour le constater : tous le « savent ». Les chefs écrasent ceux qu’ils sont chargés de protéger, ils se font servir par ceux qu’ils sont censés servir. Dans l’Ancien Testament, le prophète Ézéchiel rappelle que la fonction des pasteurs est de procurer la nourriture à leur troupeau et de le défendre contre les prédateurs. Mais les bergers résistent rarement à la tentation de se transformer en loups voraces (Ez 34).

Selon le livre de la Genèse, ce sont les animaux que l’homme a été chargé par Dieu de maîtriser, non ses semblables (Gn 1,26). C’est l’animalité de l’homme qui doit être domestiquée, non pas son prochain, créé comme lui à l’image de Dieu. À la loi de la jungle, loi qui règle les rapports entre les animaux, s’oppose celle qu’énonce le Fils de l’homme (45).

« Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous » (43-44).

Il est très difficile d’accepter que les chefs soient au service de ceux qu’ils gouvernent et il semble tout à fait insensé de prétendre qu’ils aient à se faire leurs « esclaves ». Par définition, l’esclave est l’opposé du maître : privé de toute liberté propre, il dépend totalement de son maître. Et pourtant le maître selon Jésus ne s’appartient pas, il est entièrement consacré à tous les autres. À toute heure, il se tient à la disposition des siens. Comme un esclave aux pieds de son maître.

« Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (45)

Le titre de « Fils de l’homme » que Jésus utilise pour parler de lui-même est inspiré du livre de Daniel, il parle d’un personnage glorieux auquel le Seigneur donnera une royauté éternelle (Dn 7,13-14). Toutefois, avant d’être glorifié, « le Fils de l’homme » devra traverser l’épreuve de la souffrance et de l’humiliation. Jésus en véritable chef n’hésite pas à s’exposer à la mort pour sauvegarder la vie des siens. Il est prêt à livrer son propre corps pour calmer la voracité de l’ennemi, pourvu que l’existence des siens soit épargnée. Le vrai service va jusque-là : il accepte l’esclavage pour prix de la liberté d’autrui, il ne refuse pas d’aller jusqu’à donner sa propre vie en rançon pour arracher les autres à la servitude. C’est cela que le « Fils de l’homme » s’apprête à faire et qui sera le modèle que les disciples devront suivre.

Source : Roland Meynet : L’évangile de Marc. Gabalda et Cie, Éditeurs, France 2014, ISBN 978-2-85021-233-8.

Roland Meynet est professeur émérite de théologie biblique de l’Université Grégorienne à Rome, auteur de plusieurs ouvrages et e.a. directeur de la revue Gregorianum.

Charlotte LANGEHEGERMANN
 
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