« Celui qui croit voit tout bonnement autre chose »

« Parfum de chasteté » est le nouveau roman de Claude Schmit, professeur de philosophie engagé aussi au théâtre et dans les médias. Fascinant et très bien écrit, ce roman nous raconte deux histoires en parallèle : celle de Robert Thréard, journaliste réputé de centre gauche qui après tant d’années de service dans les médias à Paris aspire à autre chose et entame un chemin de conversion vers la foi catholique ; et l’histoire d’Astrolabe, le fils d’Abélard et d’Héloïse, qui nous fait revivre cette extraordinaire histoire d’amour et de foi du 12^e siècle.

Par ces deux histoires, le romancier introduit admirablement dans la richesse spirituelle et culturelle de la foi catholique qu’il connaît suffisamment bien pour ne pas nous raconter - comme c’est si souvent le cas - n’importe quoi sur la Bible, Dieu, la sainte trinité, l’eucharistie, la prière, la liturgie, la vie affective, la morale sexuelle de l’Église et son engagement social…

Le roman est intelligent et fait bien comprendre ces gens, de plus en plus nombreux, qui dans nos sociétés occidentales sont à la recherche d’autres valeurs et d’autres priorités que le simple plaisir, l’argent gagné et la consommation superficielle. L’histoire est intrigante, avec son clergé parisien vivant une double vie autour de Notre-Dame et dans les catacombes, au sein d’un groupement quasi sectaire, orienté vers la tentation d’Eve et la pureté de Marie, et dont les responsables volent des œuvres d’art sacré aux musées afin de les ramener dans des lieux de culte où elles retrouvent le cadre digne qu’elles n’auraient jamais dû quitter. Si ceci semble secondaire par rapport à la conversion et à la pratique dévotionnelle de Robert dont l’évolution et l’approfondissement sont relatés, on peut en saisir pourtant le rôle symbolique. A l’exemple des œuvres d’art sacré, Robert avec l’aide du père Emmanuel quitte, comme une espèce de musée, son milieu journalistique de centre gauche avec son « acharnement primaire contre l’Église catholique » afin de retrouver son lieu propre, la foi catholique qu’il avait abandonnée à la fin de l’adolescence, mais dont il commence à mesurer l’importance : « A mon âge, il devrait être possible de retrouver tout cela, d’une autre façon, bien sûr. »

L’autre histoire, celle d’Abélard et d’Héloïse, permet de prendre distance pour approfondir le sens de la foi et ses multiples dimensions, cette foi dont saint Augustin avait dit : « Je ne cherche pas à comprendre pour croire, mais je cherche à croire pour comprendre. » De toute façon, au Moyen Âge comme de nos jours, « celui qui croit voit tout bonnement autre chose ».

Sur ces 338 pages, Claude Schmit traite ainsi de la condition humaine, du sacré et de la foi religieuse, de l’affectivité et de l’amour humain, de la sexualité et de ses dérives mystiques, de l’errance et du péché originel, de la prière et de la liturgie catholique, de l’engagement et des défis sociaux… bref de tout ce qui est existentiellement essentiel, et il le fait savamment, avec une clairvoyance étonnante.

Et le titre du roman ? Une citation peut l’éclairer en partie : « Il n’a pas tort, le père, quand il dit que le catholicisme est la religion la plus sensuelle qui soit. Une sensualité qui attire, tellement elle est trouble et ambiguë, se dit Robert. Chez eux, le pur est impur et le Verbe s’incarne. L’Esprit a un corps et la chasteté a un étrange parfum. Cette religion a de l’avenir, si… »

Peut-être ennuyé comme Robert par les veaux d’or qui ont fasciné jusqu’ici, le lecteur se met à compléter les points de suspension… Le nouveau roman de Claude Schmit lui pourra servir de guide éclairé et éclairant.

Claude Schmit, Parfum de chasteté. Roman, Editions Phi, 2019, 338 pages. ISBN 987-2919791200, 20 €