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Année A  
13 juillet 2017

Fécondés par la Parole

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 13,1-9 (15e dimanche)

Le semeur (Image : François Kieffer)

L’évangile de ce dimanche nous fait entrer dans le discours en « paraboles » de Jésus (13,1-52) qui se trouve au centre de l’évangile de Matthieu. Ce discours comporte sept paraboles que la liturgie répartit sur trois dimanches. La parabole du semeur (Mt 13,1-9) que nous lisons aujourd’hui, est une parabole sur la Parole de Dieu. Jésus adopte naturellement la manière dont le Seigneur dans l’Ancien Testament a l’habitude de s’exprimer : par énigmes. « Écoute, ô mon peuple, ma loi ; tends l’oreille aux paroles de ma bouche ; j’ouvre la bouche en paraboles, j’évoque du passé les mystères » (Ps 78,1-2). Le but de cette manière de parler n’est pas de cacher ce que l’on veut dire, mais au contraire une manière de ne pas s’imposer, de respecter au maximum la liberté de l’homme, sa responsabilité, sa dignité. Jésus vient offrir sa parole à tous les hommes, il est lui-même la Parole de Dieu. Mais il dépend de chacun de nous qu’elle porte du fruit car sa fécondité dépend de l’accueil qui lui est fait dans les cœurs des auditeurs. Les paraboles sont des paroles qui ont le pouvoir de se faire comprendre à un double niveau : le sens littéral, matériel, accessible à tous car ancré dans la réalité la plus concrète de notre vie quotidienne, et le sens spirituel, accessible seulement à ceux qui cherchent à comprendre.

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D’autres sont tombés sur le sol pierreux, ou ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » (Mt 13,1-9)

Trois versets (13,1-3) introduisent la parabole du semeur et posent le décor dans lequel l’histoire est racontée. Jésus était sorti de la maison, il est assis au bord de la mer. Voici qu’une « foule immense » attirée par la réputation de Jésus se rassemble auprès de lui. Jésus monte dans une barque où il s’assied. Il prend la position et l’attitude de celui qui enseigne. Toute la foule est près de la mer, sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles.

« Voici que le semeur sortit pour semer ». Le semeur est sorti et rien n’est dit sur son habileté, il sème des grains, c’est pour cela qu’il est sorti. Ce n’est pas seulement son objectif, c’est sa raison d’être. Il est identifié à ce qu’il fait. Il est un semeur qui fait ce qu’il a à faire et qui prend le temps de le faire. Et à la fin de l’histoire, il n’est pas dit qu’il est rentré, comme s’il était toujours de sortie, son travail n’étant pas achevé. « Comme il semait des grains tombent au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger ». Tout commence « au bord du chemin », le résultat des grains semés n’est pas souligné, il est simplement indiqué comme quelque chose d’inéluctable et de prévisible : « et les oiseaux sont venus tout manger ». Ce que l’un a semé, les autres l’ont mangé. « D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. » Là où il n’y a pas beaucoup de terre, il n’y a pas de profondeur de terre : « Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché ». Le premier résultat est rapide et immédiat : ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Mais voilà que le soleil se lève lui aussi. L’apparition du soleil semble d’abord amplifier le mouvement d’élévation de manière heureuse, mais il a finalement une conséquence dramatique pour le rebond de ce qui est tombé dans cette terre sans profondeur : ils ont brûlé, et du fait qu’il n’y avait pas de racines, ils ont séché. Malgré les apparences premières : « faute de racines, la semence a séché ». Le résultat est une perte, comme avec les oiseaux, il n’en reste rien. Mais le semeur ne s’y arrête pas. Sorti pour semer, il va plus loin et continue ce pour quoi il est sorti, sans se soucier du résultat à ce qu’il semble.

« D’autres sont tombés dans des ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés ». C’est la troisième situation ; les ronces, deux fois mentionnées dans ce verset, prennent le relais des oiseaux et du soleil. L’effet d’étouffement par les ronces est souligné. À relire les trois situations présentées jusque-là, le rival du semeur est partout : au même niveau que ce qu’il sème : les oiseaux, le soleil, les ronces, la terre sans profondeur qui ne permet pas de racines, tout devient un obstacle à l’apparition du fruit espéré. Pour que du fruit apparaisse, il faut que la semence trouve un lieu à l’abri des oiseaux, avec de la profondeur pour pouvoir résister à la brûlure du soleil, et débarrassé des ronces pour éviter l’étouffement. Il lui faut un lieu sûr, un espace protégé, préparé, entretenu… Où trouver un tel endroit, la cible visée par le geste du semeur ?

« D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un ». Toujours à son travail, sans se retourner sur ce qu’il fait, le semeur continue de se déplacer et de semer. Et cette fois, il atteint sa cible ! « D’autres sont tombés dans la bonne terre ». La « bonne terre » annonce l’abondance qui va se manifester. Cependant il n’est pas dit que le semeur cesse de semer… Mais cette-fois, la terre est qualifiée positivement ; elle est bonne, en opposition de ses qualifications négatives. Sa bonté tient au fait qu’il y en a beaucoup et qu’elle a de la profondeur, qu’elle remplit les conditions nécessaires pour que ce qui est tombé en elle puisse non seulement lever, mais s’enraciner, résister à l’ardeur du soleil. La bonté de cette terre tient aussi au fait que les oiseux n’y viennent pas dévorer ce qui est tombé et qu’il n’y a pas de ronces pour l’étouffer. La bonté de cette terre vient surtout de ce qu’elle fait espérer. Le fruit est enfin mentionné. Cette montée du fruit a pour conséquence la victoire sur celle étouffante, des ronces. La parabole du semeur, raconté par Jésus depuis sa barque, est une parabole d’espérance qui annonce une victoire à venir. Jésus oppose les échecs initiaux de la semence à un rendement évidemment extraordinaire.

L’histoire du semeur s’arrête là, mais l’enseignement de Jésus n’est pas achevé pour autant. « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » (Mt 13,9) Pourquoi cette injonction qui sonne comme un avertissement ? Cette interpellation suggère qu’il y a à écouter, à comprendre davantage qu’il n’y paraît au premier abord, et notamment ce qui n’est pas dit explicitement. Dans la parabole, le déplacement du semeur, suggéré par les différents terrains où tombe ce qu’il sème, évoque seulement ce qui peut arriver à l’auditeur ou au lecteur de la Parole de Dieu : la disparition pure et simple dans l’oubli, l’incompréhension ou l’inattention ; la stérilité d’un enthousiasme qui se dessèche avec le temps ; l’étouffement consécutif à d’autres préoccupations. L’avertissement final de Jésus attire l’attention sur les conséquences possibles d’une écoute insuffisante, superficielle et détournée de son objet. En racontant l’histoire du semeur et de la parole, Jésus raconte sa propre histoire. Il est lui-même le secret caché dans la parabole. Les paraboles s’adressent à nous et nous aident à comprendre ce qui se passe. Comme les auditeurs de la foule immense qui s’est rassemblée autour du Christ, beaucoup d’entre nous refermeront leur Nouveau Testament et repartiront pour se livrer à leurs occupations habituelles. Pour eux, Jésus aura parlé en vain : la Parole-semence ne produira ni cent, ni soixante, ni trente pour un. Comprenons que le Christ s’adresse à chacun d’entre nous et que nous pouvons nous demander quel genre de terrain nous sommes et quel fruit sa parole a jusqu’ici porté en nous.

Charlotte LANGEHEGERMANN
 
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