
Mor Polycarpus : « L'Église orthodoxe a une approche poétique des vérités de la foi »
Entretien avec le métropolite de l'Église syriaque orthodoxe aux Pays-Bas.
Alors que je me trouvais au Centre Jean XXIII pour une réunion de travail avec la Luxembourg School of Religion & Society (LSRS), j'ai eu la chance de rencontrer Mor ([1]) Polycarpus Augin Aydin. Mor Polycarpus est métropolite et vicaire patriarcal de l'archidiocèse des Pays-Bas de l'Église syriaque orthodoxe. La veille, il avait donné une conférence à Trèves dans le cadre du 1700ème anniversaire du concile de Nicée, à l'invitation du professeur Annemarie C. Mayer, également professeur associée à la LSRS. Le chanoine Jean Ehret, directeur de la LSRS, qui était présent à Trèves, a invité Mor Polycarpus à venir découvrir la LSRS. Le métropolite a eu l'amabilité de m'accorder une interview impromptue.
Éminence, vous avez donné hier une conférence sur le concile de Nicée. Quelle est l'importance du 1700ème anniversaire de ce concile pour les chrétiens ?
Mor Polycarpus. Le concile de Nicée, convoqué par l'empereur Constantin en 325, a été un moment décisif dans l'histoire de l'Église. Il a abordé des questions théologiques et ecclésiales cruciales, jetant les bases d'une identité chrétienne unifiée. Il a notamment donné naissance au premier Credo œcuménique, affirmant la divinité du Christ et établissant une confession de foi commune qui allait façonner la doctrine chrétienne pendant des siècles. Au fil du temps, ce Credo s'est intégré dans la vie liturgique de l'Église. Dans la tradition syriaque orthodoxe, par exemple, nous récitons le Credo à la fin de chaque prière de la liturgie des heures, ainsi que pendant la Divine Liturgie, afin qu'il devienne un hymne vivant de notre foi en la Trinité divine : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Un autre héritage durable du concile de Nicée fut la décision d'établir une date unique pour la célébration de Pâques. Cela était d'une importance vitale pour préserver l'unité de l'Église, car cela garantissait que les chrétiens du monde entier célèbrent le mystère central de leur foi, la résurrection du Christ, le même jour.
Ce 1700ème anniversaire nous invite non seulement à réfléchir plus profondément au contenu théologique du Credo, mais aussi à renouveler notre engagement en faveur de l'unité visible.
Cet anniversaire peut-il être l'occasion pour les différentes Églises chrétiennes de se rapprocher ?
C'est le moment d'avancer ensemble. Le 20 mai 2025 a marqué le début des célébrations du 1700ème anniversaire. Des représentants des Églises protestante, grecque, orthodoxe orientale et catholique se sont réunis à Nicée. Le pape François avait prévu de se rendre à Nicée pour discuter des conditions dans lesquelles nous pourrions fixer une date commune pour Pâques. Il semblerait que Léon XIV s'y rende en novembre.
Cette année, nous avons célébré Pâques le même jour. La différence de date entre les célébrations catholiques et protestantes d'une part, et orthodoxes d'autre part, n'est qu'une question de calendrier et non une question théologique. Trouver un chemin vers l'unité serait une belle façon d'honorer les pères conciliaires de Nicée. Concrètement, le calendrier julien avait certaines limites, mais le calendrier grégorien n'est pas non plus tout à fait exact. Il est certain que Pâques doit avoir lieu un dimanche, mais comme l'a dit le pape François, nous ne célébrons pas un calendrier, nous célébrons la résurrection !
Quel avantage voyez-vous à avoir une date commune pour Pâques ?
D'un point de vue théologique et pastoral, une date commune pour Pâques serait une expression visible de l'unité des chrétiens et renforcerait le témoignage de l'Église dans le monde. On me demande souvent si nous croyons vraiment au même Christ que les autres chrétiens, à savoir les catholiques et les protestants, étant donné que nous ne célébrons pas la fête de la Résurrection le même jour. Une date commune contribuerait à dissiper cette confusion et à affirmer notre foi commune dans le Seigneur ressuscité.
Elle serait également très bénéfique pour les familles issues de mariages mixtes, qu'ils soient catholiques-orthodoxes ou protestants-orthodoxes, qui souhaitent célébrer ensemble le mystère central de leur foi. Sur le plan pratique, une date unifiée pour Pâques simplifierait l'organisation des vacances pour les écoles, les lieux de travail et les familles, et faciliterait la coordination des événements ecclésiaux et des expressions publiques de la foi.
Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée l'Église syriaque orthodoxe aux Pays-Bas ?
L'une de nos préoccupations les plus urgentes est l'intégration des réfugiés syriaques orthodoxes provenant de régions déchirées par la guerre. Beaucoup arrivent traumatisés, ayant perdu des membres de leur famille. Leurs enfants grandissent dans l'incertitude, dans une culture et un climat très différents des leurs. Certains risquent de sombrer dans la criminalité, et nous assistons à une augmentation des ruptures familiales et des divorces.
Nous travaillons dur pour aider ces familles à retrouver un sentiment de stabilité, à s'orienter dans leur nouvel environnement et à trouver un sens et un but à leur vie. Le plus grand défi est celui de l'identité : beaucoup ont pris conscience avec douleur qu'ils ne retourneront pas de sitôt dans leur pays d'origine, en Syrie, en Irak ou au Liban, et doivent désormais trouver un moyen de se forger une nouvelle voie et un sentiment d'appartenance dans leur nouvel environnement.
En matière de foi, de nombreux catholiques disent ne plus croire au dogme de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Êtes-vous confronté à un phénomène similaire au sein de l'Église syriaque orthodoxe ?
La question du dogme dépend en fin de compte de la manière dont il est communiqué. Certains dogmes ont des fondements historiques clairs et sont plus facilement accessibles aux fidèles. D'autres sont plus abstraits et nécessitent une approche différente pour être pleinement appréciés. Faut-il les expliquer en termes scientifiques et rationnels, ou à travers le prisme de la foi et de la spiritualité ? Dans l'Église syriaque orthodoxe, nous recourons souvent à un langage poétique et symbolique pour transmettre les vérités profondes de la foi.
Prenons l'exemple du baptême. Dans notre tradition, les fonts baptismaux sont assimilés au ventre d'une mère spirituelle d'où naissent de nouveaux fils et filles. Par le baptême, ils sont revêtus de la robe de gloire qu'Adam et Ève ont perdue au Paradis. Lorsque les nouveaux baptisés émergent des eaux de la renaissance, ils sont immédiatement conduits à l'autel sacré pour recevoir l'Eucharistie. À ce moment-là, le prêtre proclame : « Le fruit qu'Adam n'a pas goûté au Paradis est aujourd'hui placé avec joie dans ta bouche. »
Ce langage symbolique et richement évocateur aide les fidèles à saisir les réalités théologiques non seulement avec leur esprit, mais aussi avec leur cœur, leur permettant d'intérioriser le mystère d'une manière profondément personnelle et spirituelle.
J'apprécie particulièrement le travail de l'écrivaine américaine Kathleen Norris. Elle a passé du temps en retraite monastique à l'abbaye Saint-Jean dans le Minnesota et a relaté son expérience dans The Cloister Walk. Dans Amazing Grace: A Vocabulary of Faith, elle réfléchit au vocabulaire de la foi à travers des histoires personnelles, rendant ainsi accessibles des concepts complexes. Comme elle le suggère – et je suis d'accord avec elle –, tout comme on n'attend pas d'être tout à fait prêt pour commencer à prier, certaines vérités doivent être crues avant de pouvoir être pleinement comprises.
[1] « Mor » est un titre honorifique syriaque qui signifie « Mon Seigneur ». Il est traditionnellement utilisé comme une forme de salutation respectueuse pour les évêques, les saints et autres membres haut placés du clergé dans l'Église syriaque orthodoxe et d'autres traditions chrétiennes syriaques. Issu de la langue araméenne de Jésus et de l'Église primitive, ce titre exprime à la fois l'autorité spirituelle et une vénération affectueuse.
Pourquoi toutes les Églises chrétiennes ne célèbrent-elles pas Pâques à la même date ?
Pour tous les chrétiens, Pâques, la Résurrection, est le point culminant de l'année liturgique. Le concile de Nicée, en 325, a réglé la question de la date de la fête, la fixant au premier dimanche après la pleine lune suivant l'équinoxe de printemps. À l'époque, le calendrier julien était la norme. Cependant, ce calendrier, créé par Jules César, rallongeait l'année de onze minutes. En 1582, le pape Grégoire XIII a supprimé dix jours et réformé le calendrier. Les Églises occidentales ont adopté le calendrier grégorien, mais l'Église orthodoxe a conservé le calendrier julien. Toutes les Églises chrétiennes calculent Pâques selon la règle du concile de Nicée, mais l'appliquent à deux calendriers différents, ce qui peut entraîner des différences.
Cet entretien a été mené en anglais. Le texte original peut être consulté ici.
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