L’idée est venue, il y a environ un an, de Nathalie Roelens, professeur en théorie de la littérature française et francophone à l’Université du Luxembourg, et d’Alexis Vandeweerd, assistant de recherche du professeur Alberto Fabio Ambrosio (op) à la Luxembourg School of Religion & Society (LSRS) et candidat doctorant à l’Institut d’Études Romanes, Médias et Arts (IRMA) de l’Université du Luxembourg. « J’ai été inspiré par le concept de saisons intérieures développé par le professeur Ambrosio dans son livre Saisons intérieures – Croire à l’âge de l’incroyance, se souvient Alexis. Au fil de son existence, chacun vit ses saisons intérieures, comme la mode, et le défilé est un bon média pour évoquer cela. »

La LSRS a donc décidé de soutenir la création d’un défilé-performance, dans le cadre du Luxembourg Urban Garden (LUGA), une exposition éphémère qui se déroule depuis le 7 mai dernier et jusqu’au 18 octobre prochain sur de nombreux espaces verts publics de la capitale. Le dimanche 7 septembre, la Collection 5 saisons - défilé de mode Re-Fashion, a été présentée au public dans la vallée de la Pétrusse. « J’ai pris l’habitude de dire que tel que nous nous habillons, nous habillons la planète, car nos comportements vestimentaires, liés ou non à la mode et aux modes, ont un impact sur l’environnement » a expliqué le professeur Ambrosio dans son introduction.

Mis en scène par Serge Wolfsperger, les cinq tableaux vivants qui composent le défilé évoquent tour à tour, selon les uns des scènes de l’Évangile (nativité, piéta…), selon les autres l’impact de la surconsommation sur la planète et sur ses habitants. Les mannequins, comédiens amateurs ou professionnels, qui portent les manteaux de la saison hiver s’effondrent sur le sol et figurent tout à coup les sans-abris qui habitent les trottoirs des villes occidentales. Une fillette de six ans, Kahyna, circule sur le plateau avec son lapin en peluche, petite victime de la surconsommation et de la fast-fashion qui déversent sur elle des monceaux de vêtements.

Le spectacle interroge notre attitude face au vêtement et, plus largement, à la Création que nos choix vestimentaires impactent largement. Alors que le pape Léon XIV a inauguré le vendredi 5 septembre le « Borgo Laudato Si’ », un havre de beauté, projet du pape François pour promouvoir l'écologie intégrale, la réflexion théologique sur la mode d’Alberto Ambrosio invite à s’arrêter pour porter un regard critique sur nos comportements vestimentaires. « Nous nous habillons tels que nous nous comportons, si bien que nous nous comportons envers nous-mêmes comme envers la planète, relève le frère dominicain. (…) Celui ou celle qui ne respecte pas la planète ne se respecte pas non plus lui-même. Celui qui ne prend pas soin de son voisin qu’est l’environnement ne prend pas soin non plus de son semblable humain. En tant que théologien, j’ai envie de dire qu’un vrai croyant aujourd’hui ne peut pas se passer de relier ses actions à l’environnement ».

En inventant la théologie de la mode, frère Alberto veut remettre Dieu au centre. « Tout peut être étudié sous le prisme divin, explique-t-il. La mode est un phénomène social très important, Dieu a donc forcément quelque chose à dire à ce sujet. La mode produit des injustices sociales et a un impact écologique majeur. Au 19^ème siècle, les phénomènes sociaux étaient chrétiens car la société était chrétienne. Aujourd’hui nous avons besoin d’une pensée théologique sur les phénomènes sociaux comme la mode. »

Avec sa participation au LUGA via une performance autour de la mode et du vêtement, la LSRS exprime la pensée du théologien sur la mode et son impact sur le monde. Une voix qui invite à l’attention aux autres et au soin à porter à la Création.

De l’intuition du professeur et frère dominicain Alberto Fabio Ambrosio de penser les saisons intérieures en lien avec celles de la mode est née une équipe de recherche à la Luxembourg School of Religion & Society. Le premier cycle de séminaire entre Paris et le Luxembourg a abouti à la publication d’un volume intitulé La mode modeste entre éthique et esthétique. Le deuxième cycle de séminaire de recherche et de réflexion académique sur l’écologie de la mode a démarré il y a presque trois ans. Ce séminaire se terminera par une journée d’études à Paris, au Collège des Bernardins, le 5 décembre prochain. La captation du spectacle Collection 5 saisons - défilé de mode Re-Fashion y sera projetée.