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Le rôle du Saint-Siège dans la diplomatie internationale

Conférence organisée par la Conférence Saint-Yves et le Centre de formation diocésain Jean XXIII.

Il est loin, le temps où « Roma locuta – causa finita » (Rome a parlé, la cause est entendue). « Comme l’écrivait déjà Jacques Duquesne en 1977, dans l’hebdomadaire français L’Express, ‘aujourd’hui Rome parle, un débat s’ouvre’ ». En quelques mots, François Mabille cerne la problématique. Ce professeur de sciences politiques (relations internationales), chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Paris), politologue, spécialiste de géopolitique des religions et de la diplomatie vaticane, était l’invité de la Conférence Saint-Yves et du Centre de formation diocésain Jean XXIII, ce mardi 12 mars. En présence de S.E. Mgr Franco Coppola, nonce apostolique en Belgique et au Luxembourg, il a brillamment expliqué à un auditoire nombreux le rôle actuel du Saint-Siège dans la diplomatie internationale.

Il est tout d’abord essentiel de bien cerner le cadre et le contexte dans lesquels s’exerce la diplomatie du Saint-Siège. Rappelons que le Saint-Siège est une personne morale qui représente le pape et la curie, le gouvernement de l’Église catholique. « L’État du Vatican n’a de relation avec aucun autre État, insiste Mgr Coppola. Et le pape n’est pas le chef d’un État étranger, il est un guide spirituel pour les catholiques. Les États peuvent avoir des relations avec le pape, mais le considérer comme un chef d’État est une mauvaise compréhension de ce qu’est le pape. En tant que nonce, je suis le représentant personnel du pape, qui a la capacité de nouer des relations internationales. »

« Le statut du Saint-Siège est régi par les accords de Latran, et particulièrement l’article 24 de ces accords (voir ci-contre) », rappelle François Mabille. L’analyse de ce texte permet de lever les ambiguïtés courantes à ce sujet. Le Saint-Siège est neutre et dans une situation d’asymétrie structurelle puisqu’il n’est ni une puissance économique ni une puissance militaire et ne peut donc se comparer à aucun État. Mais le pape est en mesure d’exercer une forme de « soft power » grâce à six pouvoirs qui lui permettent d’incarner différentes figures sur la scène internationale. « Le premier de ses six pouvoirs, détaille le professeur, est un pouvoir d’ingérence. Les États revendiquent la conscience du citoyen, l’Église revendique la conscience de la personne et s’autorise ainsi, par exemple, à intervenir dans les débats sur la fin de vie. Le second pouvoir est un pouvoir d’influence qui s’est exprimé récemment dans l’encyclique Laudato si’. L’intérêt que les médias portent au pape, et que l’on retrouve pas pour d’autres dirigeants religieux, lui confère un pouvoir médiatique certain. Certains pontifes peuvent exercer une certaine domination charismatique. La politique culturelle du Saint-Siège se déploie dans ses universités et dans ses organisations non-gouvernementales. Enfin le pouvoir diplomatique du pape est illustré par l’envoi de nonces dans la plupart des pays. »

Quels sont donc aujourd’hui les grands axes de la diplomatie pontificale ? Le chercheur parle d’une « diplomatie de mouvement ». « Le pape aime faire bouger les lignes, remarque-t-il. Il aime prendre certains risques. Sa diplomatie conserve des aspects historiques mais également d’autres, nouveaux, qui sont liés à sa personnalité. » Ainsi en est-il de la notion de ‘paix intégrale’ qui renvoie à la sécurité humaine envisagée globalement. La dénonciation de la course aux armement s’est ainsi trouvée complétée par la dénonciation de la possession de l’arme nucléaire. Ce faisant, le Souverain Pontife passe de la légitime défense armée, qui était la ligne traditionnelle de la politique catholique, à une tendance au pacifisme. L’écologie s’exprime dans la volonté de prendre soin de la « maison commune ». Le pape dénonce la « mondialisation de l’indifférence » et marque son soutien aux migrants et aux réfugiés. Enfin François Mabille cite encore les nouvelles pratiques de dialogue avec le monde musulman politique et religieux.

Que dire de l’avenir ? Le chercheur identifie plusieurs pistes d’approfondissement importantes pour le Saint-Siège. Il estime que les contours de la neutralité du Saint-Siège méritent d’être repensés. Il s’interroge sur la légitimité de la négociation avec des États non-démocratiques. « Il faut que le Saint-Siège fasse des efforts de pédagogie quand il traite avec certains États ou certaines personnalités et que des observateurs estiment qu’il ‘négocie avec le diable’. Si Poutine est le diable, le pape peut-il négocier avec lui ? ». Enfin la médiation est un axe fort de la diplomatie pontificale, mais celle-ci peut entrer en tension avec l’article 24 des accords de Latran si toutes les parties ne sont pas d’accord. « La médiation sur la scène internationale répond à des exigences spécifiques en lien avec le Secrétariat des Nations Unies, rappelle François Mabille. Il ne s’agit pas de distribuer des bons et des mauvais points. »

Réagissant à la question de la neutralité du Saint-Siège, Mgr Coppola rappelle qu’elle n’est pas une option : « le pape est le Saint-Père, il est le père, sa neutralité est naturelle, il doit chercher une façon de réconcilier les frères qui se disputent. » Quant à négocier avec le diable… « On ne peut pas négocier avec le diable puisque le diable ne s’est pas incarné. Il peut prendre possession de quelqu’un mais il n’est pas incarné », sourit le nonce, manière de ne fermer aucune porte à l’intervention potentielle du pape. Une position précieuse quand on sait que les dossiers politiques les plus brûlants dans lesquels le pape est impliqué concernent l’Iran, la Chine et le conflit actuel en Ukraine.


Article 24 des accords de Latran entre le Saint-Siège et le Royaume d’Italie, 11 février 1929.

« Le Saint-Siège, en ce qui touche la souveraineté qui lui appartient, même dans le domaine international, déclare qu’il veut demeurer et demeurera étranger aux compétitions temporelles envers les autres États et aux réunions internationales convoquées pour cet objet, à moins que les parties en litige ne fassent un appel unanime à sa mission de paix, se réservant en chaque cas de faire valoir sa puissance morale et spirituelle. »

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